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Page:Saint-Point - L’Orbe pâle, 1911.djvu/68

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dans la barque, je rêvais. Couchée sur le sable brûlant où je me séchais, je vis longtemps sur moi les yeux du pêcheur, ses yeux éblouis, élargis d’admiration.

Il résuma — et je connus toute son âme, toute la simple âme humaine.

— Vous n’avez pas peur !

Le pêcheur ne comprend pas cette femme, qui, durant des heures, silencieuse, tandis que ses cheveux flottent comme des algues se penche sur le fond de la mer, et qui — il le sait — « imagine des choses » ce qui veut dire « rêve », et qui tout à coup se révèle aussi virile qu’un homme, qu’un homme solide et borné. En cela, le pêcheur ressemble à tout être, car nul n’a jamais connu cette femme, fille de poète, de sentimentales rêveuses et de héros.

Mais moi, je sais qu’au delà de tout mon possible génie et de tout génie, ma force de domination et toute suprême force de domination, est dans l’audace et le courage. Cela seul dompte les foules.

Et si le pêcheur avait pu comprendre, et s’il m’avait plu de m’expliquer, je lui aurais dit : « Celle qui interroge les profondeurs de