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Page:Sainte-Beuve - Port-Royal, t2, 1878.djvu/136

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PORT-ROYAL.

de la Grâce. Ainsi, pour reprendre encore et plus sensiblement : 1° unité du Chef de l’Église ; 2° unité du corps de l’Église ; 3° unité du sacrement qui nous y incorpore ; 4° unité de la Grâce qui nous y fait vivre et nous y maintient. Sur ce dernier point surtout, Jansénius trouve des paroles magnifiques. Ce que saint Jean l’Évangéliste a été pour la prédication et la mise en lumière de la divinité du Verbe, saint Augustin l’est pour l’explication et la mise en lumière de la Grâce. Ce n’est pas seulement le Père des Pères, le Docteur des Docteurs, mais un cinquième Évangéliste, ou du moins un sixième après saint Paul. À qui convenait-il mieux en effet qu’à saint Paul et à saint Augustin, ces deux grandes lumières de la Grâce, d’en rendre le sens dans la plénitude, tous les deux ayant été plus agités et plus malades que personne du mal de l’infirmité humaine ? Qui pouvait mieux parler, et avec plus de compétence, des abîmes de la Chute et de ceux de la Grâce, que ces deux hommes qui savaient et qui portaient gravé au fond de leur cœur par une si longue expérience ce que c’est qu’être esclave de sa passion, lutter avec elle sans issue, manquer du divin secours, se tordre impuissant à terre en l’implorant, et puis tout d’un coup triompher dès qu’il arrive et librement respirer.[1] — Aussi Augustin, ce très-sacré docteur, a-t-il cela de commun avec les saintes Écritures qu’il s’était si intimement assimilées, qu’on le doit lire, pour le bien entendre, avec l’humilité d’un disciple plus qu’avec la superbe d’un censeur, si l’on ne veut s’égarer sur son vrai sens et n’en saisir que de vains lambeaux.[2]

  1. ’Liber proœmialis, cap. XXI.
  2. L’infaillibilité plus que chrétienne, l’infaillibilité aristotélique de saint Augustin à Port-Royal est telle que les écrivains de cette école n’ont pas craint de prétendre que le saint évêque, bien qu’il n’eût aucune connaissance de la langue hébraïque, avait cepen-