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Page:Sainte-Beuve - Port-Royal, t3, 1878.djvu/412

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PORT-ROYAL.

l’homme. Sans nous arrêter aux chicanes de détail, Voltaire me paraît avoir posé le point de la difficulté avec assez de franchise dans ce passage d’une lettre à La Condamine :

« À l’égard de Pascal, le grand point de la question roule visiblement sur ceci, savoir, si la raison humaine suffit pour prouver deux natures dans l’homme. Je sais que Platon a eu cette idée, et qu’elle est très-ingénieuse ; mais il s’en faut bien qu’elle soit philosophique[1]… »

Et encore dans une lettre au Père Tournemine (1735) :

« Ma grande dispute avec Pascal roule précisément sur le fondement de son livre. »
« Il prétend que, pour qu’une religion soit vraie, il faut qu’elle connaisse à fond la nature humaine, et qu’elle rende raison de tout ce qui se passe dans notre cœur. »
« Je prétends que ce n’est point ainsi qu’on doit examiner une religion, et que c’est la traiter comme un système de philosophie ; je prétends qu’il faut uniquement voir si cette religion est révélée ou non… »

Ainsi Voltaire conteste deux choses à Pascal : 1° il soutient qu’il ne suffirait pas du tout que le Christianisme parût rendre compte de la nature humaine, pour qu’il lui, par cela même, démontré dans sa partie surnaturelle ; 2° il conteste que la nature humaine contienne réellement en elle une contradiction, une duplicité particulière, qui force de recourir au Christianisme. Si on dégage les raisonnements de Voltaire de tant d’espiègleries et de petites indécences dont il s’est plu à les égayer, on arrive à ces deux objections, qui sont dignes d’un esprit très-sérieux.

Un honnête et recommandable écrivain répondit à

  1. Voir le reste de la lettre, 22 juin 1734.