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Page:Say - Œuvres diverses.djvu/199

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bles des démonstrations qui pourraient être épineuses si l’on s’en tenait au sens vague, indéterminé du langage commun ; car nos langues ont été faites avant que nos idées fussent nettes et précises.

Pour qu’une nation soit généralement instruite, il n’est pas nécessaire que chacun sache tout, mais que chacun n’ait que des idées justes sur ce qu’il sait.

Or on ne peut nier les progrès faits de nos jours à cet égard.

Beaucoup de personnes sont prévenues de l’idée que nos pères en savaient plus que nous, comme si nous n’avions pas, de plus qu’eux, tout au moins l’expérience des temps qui se sont écoulés depuis le leur jusqu’au nôtre.

Ici je ne saurais m’empêcher de faire une autre citation d’un auteur dont l’opinion aura quelque poids chez les prôneurs des temps passés, et dont je dirai le nom tout à l’heure.

On ne s’élève contre les progrès de la civilisation, dit cet écrivain, que par l’obsession des préjugés : on continue à voir les peuples comme on les voyait autrefois : isolés, n’ayant rien de commun dans leurs destinées. Mais si l’on considère l’espèce humaine comme une grande famille qui s’avance vers le même but ; si l’on ne s’imagine pas que tout est fait ici-bas pour qu’une petite province, un petit royaume, restent éternellement dans leur ignorance, leur pauvreté, leurs institutions telles que la barbarie, le temps et le hasard les ont produites, alors ce développement de l’industrie, des sciences et des arts semblera ce qu’il est en effet, une chose légitime et naturelle. » Ce morceau est transcrit textuellement de la dernière édition (tome VI, page 88) des Œuvres de M. de Chateaubriand.


Il faut convenir avec M. de Châteaubriand qu’au temps où nous sommes la marche du genre humain est progressive ; mais pour être constamment progressive, il faut que les intérêts publics soient toujours gérés non-seulement par des hommes probes, mais de plus par des hommes dont l’intérêt personnel ne soit pas en opposition avec les intérêts du public. On ne peut jamais espérer, dit-on, que les hommes sacrifient dans la gestion des affaires publiques leurs intérêts privés aux intérêts généraux. Il ne faut pas lutter contre la nature de l’homme et des choses. Mais est-il bien vrai que l’intérêt personnel soit toujours opposé à l’intérêt général ? Quand des fonctionnaires publics sont équitablement rétribués en gérant les affaires de la communauté, ils doi-