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Page:Say - Œuvres diverses.djvu/265

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l’on introduit les bateaux, et où l’on fait arriver l’eau jusqu’à ce que le bateau soit soulevé au niveau du canal supérieur sur lequel il doit naviguer. De gradins en gradins, on lui fait de cette manière franchir le dos des hauteurs qui séparent les vallées. Il suffit de former, dans le lieu le plus bas de ces hauteurs, des réservoirs capables de subvenir à la dépense d’eau que réclame de part et d’autre le jeu des écluses.

M. Girard, dans un excellent Mémoire qu’il a lu à l’Académie des Sciences, a fait remarquer que les progrès de la navigation intérieure des États, ont été en raison inverse de la grandeur des canaux qu’on y a creusés. Les anciens ont voulu faire passer des navires de la mer Rouge dans la Méditerranée, et du Pont-Euxin dans la mer Caspienne. Il paraît qu’ils ont échoué. Lorsqu’au quinzième siècle on se fut avisé îles écluses, on réduisit les canaux à transporter les barques en usage sur les rivières, d’un lit dans un autre. C’est sur ce plan que fut creusé, sous Henri IV, le canal de Briare, et, sous Louis XIV, celui du Midi ; monuments honorables pour le règne de ces princes et pour le génie des Français.

Toutefois, la beauté de ces canaux a rendu leur confection et leur entretien dispendieux. Leurs résultats, quelque vantés qu’ils soient, ne présentent peut être pas une indemnité suffisante de ce qu’ils ont coûté[1].

Un dernier pas restait à faire : c’était de rendre les canaux simplement des chemins fluides, sur lesquels on pût faire glisser, sans frottement, de longues caisses rectangulaires, qui méritassent à peine le nom de bateaux, mais qui, enchaînées les unes aux autres et se prêtant à toutes les sinuosités de leur route, comme les anneaux d’un serpent, fussent pourtant suffisantes pour toute espèce de transport et pour le commerce le plus actif. Or, c’est ce qu’ont fait les Anglais. Le duc de Bridgewater, vers 1758, imagina de rendre navigables les rigoles formées par l’eau d’épuisement de ses mines de charbon de terre, dans le voisinage de Manchester. Il établit un canal parallèle a la rivière Mersey, pour communiquer avec Liverpool, et ramener les pro-

  1. On m’a assuré, d’après le relevé qui en a été fait, que la totalité des frais de confection du Canal du Midi, réduits au cours du jour, ne s’élèvent pas à moins dé 30 millions ; et que le produit net actuel de ce Canal ne va qu’à 342 mille francs ; moins d’un et un quart pour cent. (Note de l’Auteur.)