Page:Say - Œuvres diverses.djvu/266

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duits de ce port de mer. Il réussit ; et rien n’est contagieux comme le succès. C’est depuis ce temps que les canaux de navigation, devenus moins dispendieux et couvrant moins d’espace, ont pu se multiplier à tel point sur la surface de l’Angleterre, que leur longueur totale excède aujourd’hui deux mille lieues.

Les petits canaux exigeant peu de dépense d'eau pour le service des écluses, et leur premier établissement, comme leur entretien, n'entraînant pas des dépenses excessives, les droits de navigation, sans être onéreux pour le commerce, indemnisent largement leurs entrepreneurs.

Tels sont les moyens de communication que réclame aujourd'hui la France. Elle les réclame plus vivement encore que l'Angleterre, car elle n'est point, comme elle, dédommagée des difficultés de ses communications intérieures par un développement de côtes considérable, et un littoral fortement découpé, qui laisse pénétrer les mers jusques dans le cœur du pays. Les houilles de Newcastle et du Lancashire peuvent arriver à Londres par mer; pouvons-nous faire venir de même celles de Saint-Étienne et de Valenciennes? Sachons donc gré aux capitalistes patriotes qui dirigent leurs vues vers ces utiles spéculations. Puissent-ils, sous un gouvernement protecteur, trouver, dans les produits de leurs entreprises et dans l'approbation publique, un juste dédommagement de leurs sacrifices!

Si toutes les provinces de France ont besoin de canaux navigables, Paris et ses environs les réclament plus vivement que tout autre. Paris est fort différent de ce qu'il était avant la Révolution. De vastes bâtiments passés des mains du sacerdoce dans celles de l'industrie; des capitaux livrés au commerce, parce qu'il n'y avait plus honneur à les dissiper follement; l'activité des esprits, résultat ordinaire des discordes civiles, se portant dans les voies de l'indépendance et de la fortune; les étonnants progrès des sciences appliquées aux arts ; toutes ces causes et plusieurs autres ont, depuis vingt-cinq ans, fait de Paris une des plus importantes manufactures du monde[1].

  1. On aurait tort de croire que le génie manufacturier ne se déploie qu'en grands ateliers. Les petits entrepreneurs présentent par leur réunion une masse d'industrie manufacturière que n'égalent jamais les plus grandes entreprises. Il y a telle rue de Paris, comme la rue Bourg-l'Abbé, celle des Gravilliers, dont chaque étage de chaque maison, est une manufacture, et où dix mille ouvriers trouvent une occupation journalière. Quels ateliers présentent une aussi grande masse de travail industriel ? On trouve encore dans Paris des ateliers, comme ceux des Imprimeurs, qu’on ne range pas communément parmi les manufactures, quoiqu’ils le soient bien véritablement. Une boutique de Modes est une manufacture ; on en peut dire autant d’une cuisine de Restaurateur. (Note de l’Auteur.)