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Page:Say et Chailley-Bert - Nouveau dictionnaire d'économie politique, supplément.djvu/105

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ANCIENNE — 01


CoLn.MSATKi.N A.NCIK.NM-  :


laines, surtout si l’on suppose, d’après le poème cité et d’après d’autres indices, que, au dt’but du partage que l’on dit avoir eu dans le vii’= siècle, ils n’ont renfermé qu’une moyenne de 3000 vaches au lieu de 0000, comme plus tard. La supcriicie du territoire occupé’ par le clan est certainement plus con- sidéralile, presque le double, que celle d’une centaine dans les bonnes contrées fertiles de l’Allemagne et de la Scandinavie.

Il y a cependant une grande différence entre le système irlandais et le système du village. Les hahilanls de tout le townland coha- bitaient pendant l’hiver dans de grands bâti- ments communs. Ces maisons forment trois nefs  ; le toit repose sur six grandes colonnes, formées par des arbres dont les branches su- périeures sont réunies en ogives  ; la nef cen- trale constitue une grande salle pourvue d’un l’eu toujours allumé, et où le chef, << l’aire », a sa place au mur de pignon supérieur. Dans les deux nefs adjacentes, sous les bas-côtés, les diverses familles ont leurs couches de roseaux et ils se servent, comme de sièges, des planches qui séparent les lits de la nef centrale. Les nefs du côté sont partagées par les deux colonnes centrales. Les colonnes sont appelées ^(trae/s (ce mot signifiant pignon dans plusieurs langues teuloniques, Gabel, Gaii, et aussi fourchette, Gabcl, Gaffel), ou nen fijrch (fourche) ou colovyn (colonne). Le mot cjavael est intéressant parce qu’il signifie encore les quatre divisions principales de la maison et de ses habitants et aussi la des- cendance et le droit d’héritage qu’elle apporte, gaielkind, que, en Irlande, comportait l’éga- lité pour les enfants légitimes et les illégi- times ( l’origine du mot gaielkind est ce- pendant aussi expliquée difTéremment  : « recevoir de la tribu »). Les (javels, qui ré- pondaient aux qiiarters comme divisions des terres, étaient partagés chacun en quatre ou six (jicelys ou randirs ’rjwele ou irclc, en gaélic, est traduit en latin par lectus, lit). Cette division répond à la tate ou ferme ordi- naire. Il y avait des établissements particu- liers pour les hommes dépendants de diverses classes. Ces grands bâtiments de famille étaient souvent, en particulier ceux des chefs de clan, avec les constructions accessoires qui s’y rattachaient, entourés par une fortifica- tion de terre, raih, dont on retrouve des traces en beaucoup d’endroits. Les chefs des titath ou tribus devaient avoir, dans leurs territoires, plusieurs duns ou fortifications d’un ordre supérieur.

Soit qu’une telle organisation n’ait pas été faite pour toutes les tribus à l’époque indi- quée parle poème que nous avons cité, c’est- à-dire sous les fils d’Aed Slaue dans le


’■.n’-’ siècle. Il est même certain ijue l’on con- tinue de mener une vie qui était surtout pas- torale. D’autres récits rapportent que le vrand roi Brian Horoimhe, qui défit les Scandinaves près de Dublin dans la bataille de Clontarf (1014), où il périt lui-même, a fixé les limites des tuaths ou triims de l’Ir- lande. L’ensemble du tableau tel que le repré- sentent les récits est cei)eiidant véridique. Aussi dans toutes les chroniques ayant trait aux guerres avec les Scandinaves, aux ix" et x’’ siècles, est-il continuellement question d’occupations pastorales, d’expéditions faites en vue (le s’emparer des troupeaux de vaches et d’une vie en commun, soit dans les centres ecclésiastiques, soit autour des chefs. (Juand le pouvoir est entre les mains des Danois et des Norvégiens, ce sont eux qui perçoivent les redevances, etplusieurs fois, quand par exem- ple une grande flotte a occupé Limerick, on raconte même que les occupants, pour per- cevoir ces redevances, plaçaient un de leurs hommes comme toUech ou taniste, dans chaque tribu, un abbé dans chaque monas- tère, un macr ou maire dans chaque baile et un percepteurmème dans chaque tigi ou tate.

Ce qui a causé cette difTércnce fonda- mentale dans la manière de coloniser des Normands, en Angleterre, où ils occupaient les fermes dans la plus grande partie du pays de l’Est, dans le Lincolnshire, le Yorkshire et autres régions, et en Irlande, où ils se sont établis dans un petit nombre de places fortes, le long des côtes, c’est évidemment que, dans cette dernière ile, il n’y avait pas de fermes à prendre.

La cohabitation dans les grandes maisons est remarquable parce qu’elle est liée inti- mement au pouvoir patriarcal des chefs. Sans ce pouvoir, elle n’aurait pas été possible. Sans le pouvoir des chefs sur leurs tribus et sur les tuaths (territoires des tribusi, sans le pouvoir des rois des cinq grandes divisions de l’Irlande, et sans celui du roi suprême consacré à Tara, tout ce système de partage que l’on dit avoir été partout répandu n’au- rait pas été possible. I/existence des tribus ou clans et ce pouvoir des chefs n’étaient pas seulement une suite naturelle du grand dé- veloppement de la famille  ; c’était plus encore une conséquence de l’état de guerres continuelles dans lequel vivait la population. Le fait decohabiterdans les grandes maisons de famille avait aussi pour but de mieux se protéger et n’était pas exclusivement une institution économique explicable par un état pastoral qui ne faisait que commencer à devenir un état agricole.

Comme dans la zadrouga, ou communauté familiale des Slaves du Sud, dans laquelle


COLONISATION