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ANCIKNNK — 11-2 — COLONISATION ANCIENNE


originaires aux Indes, de grandes com- munautés de familles analogues à celles (jui existaient chez les Slaves du Sud. Il y a cependant cette dilTérence entre les Indes et la Russie que le servage n’existe pas aux Indes, soit parce que la population y est si nombreuse que la main-d’œuvre n’y a qu’une valeur très minime, soit parce qu’il serait impossible de i^eleuir des individus qui ne possèdent aucun bien qu’ils ne puissent emporter avec eux. Or, c"est probablement par une conséquence de ce fait, que jamais on ne rencontre aux Indes la caractérislique du mir russe, c’est-à-dire le droit de chaque individu à une terre  ; il n’y a ])as eu ici la même nécessité de donner une terre à chaque individu que là oii il fallait procurer un moyen de subsistance au serf. En ellet, les communes des Indes ne sont jamais commu- nistes  ; elles possèdent souvent des droits communs sur des pâturages ou sur des terres non cultivées  ; mais chaque individu pos- sède une part individuelle  ; tout au plus peuvent-elles ofirir des ressemblances avec les anciennes communes teutoniques dont les redistributions avaient pour but de garantir ces parts individuelles et non de les détruire. Chez des peuples guerriers, tels que les Rajpoots, les Sikhs, les MaharatLas, la société avait nécessairement un caractère féodal. Encore aujourd’hui, la féodalité régit les États des Uajpoots. Che2 tous les Hindous existait puissamment le principe féodal qui fait que tous les droits tendent à devenir héréditaires  ; l’Inde est le pays des castes. Le musulmanisme est cependant, comme nous l’avons remarqué, hostile à la féodalité  ; il ne reconnaît que le droit supérieur de propriété du gouvernement. Il y a encore des Etals aux Indes oii le droit do propriété n’existe pas pour les particuliers et où le prince est le seul propriétaire de toutes les terres, l’État de Holkar, par exemple. Les Anglais, en héritant des pouvoirs musulmans, n’ont le plus souvent trouvé chez leurs sujets aucun droit véritable de propriété. Ils essayèi’ent généralement de conserver les droits exis- tants, et lorsqu’ils voulurent avoir des pro- priétaires, ils durent les établir. La plus grande difficulté, jjour l’administration fis- cale dans un pays comme les Indes, est toujours l’innombrable classe pauvre dont il faut s’occuper. La culture est prescjue toujours la petite culture  ; dans le Penjab, elle a une moyenne de G acres  ; dans les Provinces du Nord-Ouest de 4 1/4  ; dans l’Oude et le Bengale de .3  ; il n’y a que dans les Provinces centrales qu’elle atteigne de 14 à 20 acres. L’agriculture n’est pas mauvaise, comme l’ont constaté d’abord les Anglais  ; au


contraire, les indigènes, avec leurs petites charrues qui ne dessèchent pas la terre, réus- sissent là où ne réussissent pas les Anglais. Néanmoins, il est presque impossible pour un gouvernement de ijcrcevoir des impôts ou des redevances sur cette quantité de petits culti- vateurs, généralement très pauvres. Il fallait donc, croyait-on, nécessairement trouver des intermédiaires entre le fisc et les cultivateurs. Dans le Bengale, on prit, comme tels inter- médiaires, les grands percepteurs semi-héré- ditaires, les zemindars (mot d’origine perse signifiant possesseur de terresj. On leur donna 1 / H des redevances alors payées. On a cru que l’acle de ><etllement de 179.’} était simple- ment dû à une erreur commise par Lord Corn- wallis, qui s’imaginait que ces zemindars étaient de véritables propriétaires, et non pas que l’on ne pouvait directement atteindre les vrais cultivateurs, les ryots (mot d’origine arabe venus de la Perse et signifiant protégé, sujet)  ; on savait ce (ju’ils étaient, mais on croyait ne pas pouvoir se passer d’eux. On n’avait pasles fonctionnaires nécessaires. Les villages dans le Bengale ne sont pas développés comme ceux du nord des Indes  ; les conqué- rants, auxquels est dû leur établissement, y sont arrivés en nombre beaucoup moins consi- dérable que dans le Nord-Ouest, parmi la nom- breuse population indigène. Les villages ne forment pas des groupes très cohérents. Il est vrai que le gouvernement attendait deszetnin- dars beaucoup plus qu’ils n’ont donné  ; il croyait les voir se développer dans une voie d’activité et de progrès comme grands proprié- taires, ainsi qu’en Angleterre. Il s’est créé des droits de propriété très distincts, en par- tie à la suite de nombreux procès (dont les Indiens sont très friands). Les droits des veuves sont une cause de yjlaintes, parce qu’elles tiennent toujours à se dépouiller en faveur de leur famille et encoreplus en faveur des Brahmanes. Les Anglais ont reconnu aux Indes la liberté de tester. Un grand nombre de droits de propriété se sont produits au- dessous de ceux qui avaient été primitive- ment accordés aux grands percepteurs. Mais ceux-ci ne sont pas devenus des propriétaires que l’on puisse comparer aux propriétaires anglais occupés d’améliorer leurs terres et d’assister leurs tenanciers  ; ilssontseniblables à de bons propriétaires irlandais, qui recon- naissent les droits et les coutumes en usage et les laissent subsister. Ils ont vu leurs re- venus s’augmenter par l’augmentation des redevances qu’ils exigeaient des ryots, tandis qu’eux-mêmes continuent à n’être tenus qu’aux mêmes payements envers le Gouver- nement, ainsi que par le revenu des terres autrefois incultes qui leur ont été données.


COLONISATION