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LÉON SAY


pait d’accroître les recettes du pays et, d’autre part d’administrer sapement les sommes si considt’-rables dont il avait le maniement. M.Thiers et l’Assemblik* nationale adoptèrent à ce moment des mesures dont on ne perçut qu’après coup toute la sagesse. Aux débuts «!•.’ cette période, M. Léon Say était encore à la préfecture de la Seine  ; il n’arriva au minis- tère des liiiances qu’en décembre 1872, après l’échec de l’impôt sur les matières premières. A partir de ce moment, et ce fut la troisième partie do sa Idclie, presque toute ladminis- tration financière reposa sur lui, et cette ad- ministration fut si sage qu’une partie de l’in- demnité (k- guerre fut payée avec l’excédent des impôts, et (ju’en 1882, dans son discours sur le budget de 1883, M. Léon .Say put prou- ver que, dans la période 1872-1882, tant sur l’indemnité que sur l’outillage nouveau donné à la France, de 11 milliards dépensés ou engagés, 2 provenaient d’autres ressources que de l’emprunt, c’est-à-dire de l’impôt, ce qui revient à ceci, qu’on avait amorti deux milliards.

A côté de ces œuvres si méritoires, dont la gloire revient sans doute pour une grande partie âM.Thiers, à l’Assemblée nationale et aux Chambres qui lui succédèrent, mais qui, pour une part considérable aussi, doivent être portées à l’actif de M. Léon Say, il faut placer deux réformes, qui lui appartiennent en entier  : l’une est la substitution au type de rente perpétuelle du type de rente trois pour cent amortissable, l’autre est le mode nouveau d’estimation des recettes qu’il intro- duisit dans le budget de 1883.

On a beaucoup critiqué le trois pour cent amortissable et il est assuré que, pendant longtemps, il ne fut pas classé, et a pesé sur le marché. D’autre pari, ce genre d’amortis- sement automatique a perdu toute sa signifi- cation dans un temps où la France a presque constamment fait appel au crédit pour les besoins tout au moins de ses budiiets extra- ordinaires. Mais en ce qui concerne le premier reproche, M. Say a expliqué, dans un impor- tant discoursau Sénat (20 décembre 1882, par suite de quelles circonstances indépendantes de lui le trois puur cent amortissable eut sur le marché une situation gênée et embarras- sante et, quant au second, M. Say ne saurait être rendu responsable de la politique finan- cière imprudente qui fut pratiquée après lui.

Le nouveau mode d’évaluation des recettes introduit par M. Say dans le budget de 1883 consistait à calculer les recettes de 1883 d’après celles de 1881, augmentées de la plus- value moyenne des impôts indirects pendant les trois années précédentes. Voici ce qui motivait cette réforme.


Tout pays travailleur et économe accroît chaque année son capital. L’augmentation varie suivant les années, mais, à moins de catastrophe physique ou politique, elle est assurée. La conséquence en est que, bien ou mal répartis, les impôts, qui sont, en somme, basés sur le revenu l(jtal du j)ays, croissent avec lui, et, en même temps, par une concor- dance forcée, les dépenses, grâce à l’exten- sion des devoirs de l’État, croissent presque proportionnellement. Dans toute prépara- tion de budget, on doit donc >’attendrc à ce que les recettes d’une année, sans qu’il soit créé d’impôts nouveaux, soient supérieures d’une certaine quantité à celles de l’année écoulée. Mais comme les dépenses croissent simultanément, il faut bien se garder de voir dans cette augmentation de recettes une somme disponible qu’on puisse appliquer à des dépenses d’un ordre nouveau et perma- nent.

Ces produits sont, d’ailleurs, quelque chose d’incertain. Le budget d’un grand État doit reposer sur des bases stables. Aussi, de 1823 à 18b2, aucun ministre des linances n’a voulu, dans l’évaluation des recettes, tenir compte de cet accroissement normal. On s’est toujours tenu au résultat acquis des recettes de l’année écoulée, résultat qui se trouvait lui-même supérieur à des prévisions plus vieilles de deux années. Ainsi, par exemple,pour le budget de 1840, ona toujours prévu les recettes d’après celles de 1838.

En 18o2, lors de la préparation du budget de 1853, on adopta une autre base. On évalua les recettes au chiffre de celles de 18ol, majorées d’un chiffre de 50 millions, qui représentait la progression probable et naturelle des recettes dans le cours de l’année 1852, dont on ne connaissait pas encore les résultats, et de l’année 1853, dont on votait le budget.

Puis, en 1839, des critiques s’élevèrent, qui se reproduisirent chaque année, et en 1864 on revint à l’ancienne règle. On abandonna le système des majorations. Et jusqu’à la pré- paration du budgetde 1883. la règle ancienne fut observée.

Or, cette règle, à côté des avantages que j’ai signalés, offre de graves inconvénients. Elle assure bien l’équilibre du budget au moment du vote, mais, plus tard, les recettes se trouvent de beaucoup supérieures aux évaluations. Les excédents apparaissent, énormes, parce qu’ils représentent la pro- gression, non pas d’une année a l’autre, mais de deux années réunies. On n’a pas pu empê- cher, lors du vote, les députés et les ministres eux-mêmes de juger la fixation des recettes notablement inférieure à la réalité. N’eussent-