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la. républicanisation des porteurs de rente. En effet, par su ite de la différence entre les titres, quiles uns remontent à plus de trois siècles, et les autres à quelques jours, si une contre- révolution se produisait, les premiers conti- nueraient certainement à être payés, et la monarchie répudierait probablement les autres. D"où ditTérence entre les cours, et difficulté de placement des nouvelles émis- sions « Par l’unification, les porteurs ne seront plus divisés dans leurs espérances, les uns souhaitant le retour du despotisme, les autres le craignant, mais ils seront tous unis dans le même désirde voir la rente fidèlement payée et, pour cela, souhaiteront la force et la prospérité de la liépublique. » De même, il convient de réunir à la Dette nationale celle des communes  ; ainsi les municipalités les plus rebelles aux principes de la Révolu- tion seront intéressées au succès delà Répu- blique, et cette considération suffit pour compenserlalourde augmentation de charges qui en est la conséquence.

Cambon montrait ainsi qu’à l’aide du Grand- Livre on aurait un véritable cadastre de la fortune mobilière — tous autres titres ayant cessé d’exister ; — mais, puisqu’on supprimait les impôts des dixièmes, vingtièmes qui frap- paient les anciennes rentes, il était juste de frapper la nouvelle de la contribution mobi- lière de 1791, facilement perçue par le méca- nisme de la retenue.

Enfin, il se préoccupait de la réduction future de nos rentes ; et là il semble prévoir une objection qui fut faite en notre siècle par des économistes distingués au principe de la conversion, tirée de ce qu’on ne peut rem- bourser qu’un capital prêté, et qu’au Grand- Livre il n’est fait mention que des intérêts.

Cette remarque est exacte  : seulement Cambon avait dit l’opposé ; comme on ne prévoyait pas de longtemps que la rente fût au-dessus du pair, en ne faisant pas mention du capital, « la nation pouvait racheter ses rentes au-dessous du cours nominal sans avoir l’air de faire banqueroute ».

Ces diverses considérations étaient en gé- néral justes  ; elles avaient malheureusement l’inconvénient de se produire au moment où la République avait beaucoup besoin d’argent et où, pour s’en procurer, elle fabriquait des assignats qui faussaient, par la perte qu’ils subissaient, toute la valeur des raisonne- ments tenus par Cambon  ; mais ces funestes mesures, sauf peut-être l’emprunt forcé sur les citoyens riches, ne peuvent guère lui être imputées, il était forcé de les subir, car seules elles pouvaient sauver la République contre ses ennemis du dedans et du de- hors.


CAMÉRALISTIQUE


En tous cas, malgré les calomnies de ses adv(M’sairos, on ne put jamais rien prouver contre sa probité. Robespierre ayant osé le 2G juillet 1794, dénoncer ses malversations, Cambon se leva et attaqua avec sa violence habituelle son ancien collègue du Comité de salut public  : ce fut le 9 Thermidor.

Après la réaction, il prépara son « Rapport sur la Dette viagère » qu’il voulait inscrire sur un Grand-Livre, comme la Dette constituée ; mais Tallien,àqui il demandait des comptes, lui répondit en le mettant sur les listes de proscription. Il dut se réfugier en Suisse pour échapper à la mort, revint en France grâce à l’amnistie du 4 brumaire an IV, et rentra dans la vie privée jusqu’aux Cent- Jours, où il fut envoyé à la Chambre des représentants  ; il ne parla que dans les questions de guerre et de budget, mais sa qualité de régicide le fit comprendre dans la loi « d’Amnistie » de 1810. 11 dut s’exiler de nouveau ; il se réfugia en Belgique où il mourut peu de temps après.

Cambon avait été un bon et fidèle servi- teur de l’État  : on ne peut dire qu’il fut un grand homme  ; orateur, il avait le débit terne et nasillard, l’accent méridional, le parler emphatique et prétentieux  ; homme d’État, il se crut obligé d’être ultra-révolution- naire pour se montrer bon républicain. Mais ce fut un travailleur infatigable, un ardent patriote, et d’une loyauté et probité rares en tous les temps, mais presque uniques à ces heures troubles de notre histoire. Il a tenté de sauver nos finances, de faire pour elles ce que Siéyès avait accompli pour l’administra- tion intérieure, ce que son collègue Carnot exécutait, si heureusement, pour la guerre.

La catastrophe ne fut que reculée ; mais s’il n’a pu nous sauver de la banqueroute, c’est qu’il eût fallu, suivant un mot célèbre, une bonne politique pour faire de bonnes finances, et qu’il ne dépendait pas de lui de modifier, à cette époque, les tendances du gouvernement. Nous devons en tous cas lui savoir gré d’avoir préparé les voies au relè- vement ultérieur de nos finances, en y portant de la clarté et de l’ordre.

René Cahen.

Bibliographie.

Rapport à la Convention nationale sur le projet de la formation du Grand-Liore. Paris, 179o. — Lettre à ses con- citoyens sur les finances. Paris, 1705. — Coup d’œil d’un aveugle sur l’administration du contrôleur général Cambon. Paris, 1795. — Finances de L’ancien régime et de la Révo- lution par M. Stourm.

CAMÉRALISTIQUE. — 11 est assez difficile de définir avec précision ce que les écrivains


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