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Page:Schœlcher - De l'esclavage des Noirs, 1833.djvu/25

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Quoiqu’il n’entre pas dans mon plan, comme je l’ai déjà dit, de mettre beaucoup de fait particuliers sous les yeux du lecteur, parce qu’à mon avis ils ne prouvent presque jamais rien, il en est un pourtant qui peint si parfaitement l’état judiciaire actuel des colonies, que je crois ne pouvoir mieux terminer ce chapitre qu’en le rapportant. Je le présente sous la responsabilité d’un homme à la probité duquel les planteurs ne peuvent refuser de rendre hommage. C’est M. Fabien qui écrit :

« Le sieur Félix Félicien, patronné, faisant son service dans la compagnie de sapeurs-pompiers à Saint-Pierre-Martinique, depuis le 25 février 1828, eut une discussion avec un colon blanc qui fut se plaindre à M. le procureur du roi, Champvalier.

« Celui-ci fit arrêter M. Félicien par des gendarmes, et le fit conduire à la geôle. Le gouvernement en fut instruit par le procureur du Roi, et, sur ses ordres, sans jugement, le malheureux sapeur-pompier fut attaché comme un criminel et fouetté aux quatre-piquets[1].

  1. On ne se fait pas en Europe une idée de ce qu’est un quatre-piquets. L’homme ou la femme, car le sexe n’est pas excepté, est couché à plat ventre par terre ; ses mains et ses pieds sont liés, et on les attache à quatre piquets de fer fixés dans le pavé à une certaine distance l’un de l’autre ; le patient, ainsi étendu sans pouvoir remuer, reçoit sur les fesses les coups qui lui sont appliqués avec toute la force des bras : chaque coup emporte la peau, et le sang en jaillit.
    (Journal de la Révolution, 14 janvier 1831.)