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Page:Schœlcher - De l'esclavage des Noirs, 1833.djvu/5

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c’est là une vieille objection de ceux qui n’ont rien à gagner et tout à perdre. Elle est donc insignifiante, et je consens volontiers à la regarder en face ; car, très-probablement, je l’avoue, je ne demanderais aucune réforme, si j’avais été élevé dans d’aussi faux principes qu’un pair d’Angleterre ou de France. C’est précisément parce que je fais partie de la masse non privilégiée, et que moi et des millions d’autres gagnerions peut-être à l’adoption de meilleures règles ; c’est, dis-je, précisément pour cette raison que j’élève la voix.

Les révolutions se font pour rétablir dans l’ordre social l’équilibre que les envahissemens de la richesse tendent toujours à détruire. Depuis qu’il y a eu réunion d’hommes, les opprimés n’ont jamais rien obtenu des oppresseurs que par la force ; et si chaque pas dans la carrière de la liberté du monde est marqué de sang, c’est une nécessité qu’il faut reconnaître avec nous, mais dont on ne peut accuser que l’impuissance ou la méchanceté providentielle. Je ne suis coupable ici que d’avoir réfléchi et reconnu une triste vérité. La proclamer n’est pas mal faire ; c’est avertir seulement la minorité riche et forte que, sous peine de mort, elle doit satisfaire la majorité pauvre et faible. Je ne m’abandonne point à la fatalité ; je lutte contre elle de tout mon courage ; et si je dés-