Aller au contenu

Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/104

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et les Églises visibles. Celles-ci, nécessairement séparées les unes des autres par tout ce qui intervient d’humain dans l’approximation terrestre du divin, présentent cependant entre elles l’unité de ce qu’elles réalisent toutes de l’Église invisible. L’union parfaite des Églises militantes dans l’Église triomphante est un idéal dont elles devraient tendre à se rapprocher, §§ 148-157, II, 414-443. Schleiermacher a travaillé toute sa vie dans ce sens, et sur ce plan, le succès de sa généreuse activité est incontestable : il a été le principal agent de l’union des Églises luthérienne et calviniste en Prusse en 1817, et son esprit continue à être évoqué dans tous les efforts de conciliation, entre autres ceux, qui ont mis fin naguère à la division des Églises réformées en France. L’esprit qui l’anime est en effet un esprit de vrai libéralisme et d’union, propre à rendre plus faciles les bons rapports entre toutes les âmes religieuses, entre catholiques et protestants comme entre protestants de confessions différentes et entre traditionalistes et libres-croyants. Ajoutons qu’il a été souvent un des inspirateurs de ceux qui travaillaient à réduire l’autorité de l’État sur les Églises.

Les Églises, de même que les sacrements, de même que la Bible, ne sont d’ailleurs toujours pour lui que des moyens de rendre présente la personnalité du Christ, et de permettre ainsi au Sauveur d’exercer son action. Mais le pasteur et théologien a reconnu de plus en plus l’utilité, la nécessité même de ces moyens. Le spiritualisme si volatile des Discours s’est condensé chez leur auteur, sous la pression de sa conviction, accrue et affermie par l’expérience, de la nécessité pour le salut de l’humanité, c’est-à-dire pour son accession à la vie harmonieuse et bienheureuse selon l’esprit, de l’action sur elle d’une personnalité, d’une personnalité réelle, vivante, humaine donc, mais divine aussi : il faut en effet qu’elle soit surnaturellement exempte du péché, pour être douée de la force d’attraction capable de surélever l’humanité au-dessus d’elle-même, et de la rapprocher ainsi de la communion avec Dieu en vue de laquelle Dieu l’a créée.

L’homme-Dieu à qui est incombée cette mission providentielle, c’est le Christ. Toutes les institutions chrétiennes ont pour fin dernière de maintenir vivante la tradition de ce Christ vivant, et de lui permettre d’exercer ainsi sans fin au sein de l’humanité son action, qui est le fait essentiel