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Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/14

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Christ et sa passion, et une vie, celle que commande un tel sentiment. On peut noter que le piétiste, plus tourmenté par la hantise du péché et par les crises de conscience, est plus tourné vers ce qui fortifie la volonté dans le sens d’une moralité plutôt négative, dans laquelle l’individu assez souvent s’isole et s’assombrit, tandis que le Morave est plus disposé à se complaire dans l’assurance du salut, qui inspire une moralité plus positive, une vie plus sociable et plus souriante. Mais rien de tranché dans ces mouvantes nuances.

Les Moraves dirigeaient alors deux institutions renommées pour l’éducation de la jeunesse et la formation des pasteurs : le Pädagogium de Niesky, près de Görlitz en Silésie, et le Seminarium de Barby, près de Halle dans la Prusse saxonne. Du printemps 1783 au printemps 1787, de sa quinzième à sa dix-neuvième année donc, Schleiermacher a été l’élève des Moraves dans ces deux établissements, deux ans dans le premier, deux ans dans le second.

Il recueilli profondément en lui l’influence du moravisme et de sa piété de conventicules. Il a partagé ce qu’il y a tout de même dans ce moravisme, comme dans le piétisme, de hantise de la chute et de la corruption, et par suite, de croyance au devoir d’une vie ascétique, rendue possible par une véritable résurrection en Christ. Il a connu cet ascétisme. Il l’a assez vite écarté, trop facilement peut-être, effet d’une disposition naturelle à un certain quiétisme dont nous verrons les effets sur sa doctrine ; les crises douloureuses qu’il doit avoir traversées entre sa quinzième et sa vingtième année ne semblent pas avoir laissé de trace profonde en lui. Rien de comparable aux luttes de Luther, rien non plus de comparable plus tard au rigorisme de Calvin. Mais il restera toujours fidèle, et c’est ce qui lui permettra de se considérer toujours comme chrétien, à l’habitude, de plus en plus réfléchie, d’une exaltante communion de vie avec Jésus. Le pasteur et le théologien en lui devront à cette formation deux des idées inspiratrices et directrices de toute sa carrière et de toute son activité ; celle de la religion conçue comme sentiment intérieur, et celle de l’Église comprise comme une libre communauté de croyants, où le dogmatisme théologique et l’organisation ecclésiastique sont réduites au minimum.