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Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/15

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Il écrira en 1802, le 30 avril (Correspondance, I, 294) : « Je puis dire que je suis après tout redevenu Morave, mais d’ordre supérieur ».

Le moravisme était en effet intellectuellement très étroit. Un jeune homme aussi doué, aussi avide de connaître et de comprendre, ne pouvait se contenter de l’alimentation spirituelle qui lui était trop strictement mesurée. Grâce à son active curiosité, il a réussi là, cependant, à se faire une idée de l’antiquité grecque et de la philosophie contemporaine ; il commence à se familiariser avec Platon, et à étudier Kant. Mais il n’en est que davantage tourmenté par le besoin de cultiver plus librement son esprit.

Son désir, sa résolution de se séparer des Moraves viennent de ce que le piétisme ne lui suffit plus intellectuellement. La foi de l’enfance a été troublée de bonne heure chez lui par le travail de l’intelligence. Ce qui le détache du rigorisme piétiste, ce n’est pas la poussée de juvéniles instincts avides de satisfactions que le christianisme conséquent interdit : Schleiermacher semble avoir toujours été maître de ses sens ; son évolution ne semble pas poser de problèmes psycho-physiologiques. Sur le plan intellectuel au contraire, la formation de son esprit est très complexe. C’est toute la culture de son époque qu’il va chercher à concilier avec ce qu’elle peut conserver selon lui de la tradition chrétienne.

Ce qu’elle en peut conserver selon ses idées de 1799, les Discours nous l’apprendront. Mais il convient de noter tout de suite ici l’importance de ce qu’en fait tomber la crise que subit, à l’âge de 18 ans, ce fils de pasteur et futur pasteur.

Dans une lettre du 21 janvier 1787 (Correspondance, I, 45), sa sincérité oblige le jeune homme à déclarer à son père, malgré tout le chagrin qu’il a de lui porter un tel coup, qu’il ne peut plus croire que Dieu, qui manifestement n’a pas créé l’homme parfait, puisse exiger de ses créatures la perfection, et, pour pouvoir leur pardonner leurs fautes, ait besoin de leur rachat au prix des souffrances et de la mort de son propre Fils. Il a donc perdu la foi en la rédemption par le Christ, et même en la divinité du Christ, ce dogme crucial du christianisme positif, et cette incrédulité entraîne d’autres doutes douloureux. On ne saurait être surpris que son père, bouleversé par cette profession de foi négative, l’ait jugée incompatible avec une vocation pasto-