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Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/161

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avec leurs systèmes planétaires autour d’un soleil commun, et pour celui-ci à son tour cherchent un système de mondes supérieurs qui puisse en être le centre, et ainsi de suite à l’infini dans la direction du dedans et dans celle du dehors, vous ne voudrez [60] pourtant pas désigner un tel système comme système d’intuitions en tant que tel ? La seule chose à laquelle vous pourriez donner ce nom serait le très ancien travail de ces esprits enfantins qui ont serti la masse infinie de ces phénomènes dans des images nettes, mais incomplètes, pauvres et inadéquates. Mais vous savez qu’il n’y a là aucune apparence de système, qu’entre ces images on découvre toujours de nouveaux astres, qu’à l’intérieur même de leurs limites tout est indéterminé et infini, et qu’ils restent eux-mêmes quelque chose de tout à fait arbitraire et au plus haut point mouvant. Quand vous avez persuadé quelqu’un d’inscrire avec vous sur le fond bleu des mondes l’image du Chariot, ne reste-t-il pas libre d’encercler les mondes les plus voisins dans de tout autres cadres que les vôtres ?

Ce chaos infini, dans lequel assurément chaque point représente un monde, est précisément comme tel, en fait, le symbole le plus approprié et le plus haut de la religion ; en elle comme en lui, le particulier seul est vrai et nécessaire. En elle, rien ne peut ni ne doit être démontré en partant d’autre chose, et toute généralité dans laquelle le particulier doit être intégré, toute combinaison ou liaison de ce genre, ou bien, si elle doit être rapportée à l’être intime et essentiel, a son siège dans un domaine étranger, [61] ou bien n’est qu’une œuvre du jeu de la fantaisie et du plus libre arbitraire.

Si des milliers d’entre vous pouvaient avoir les mêmes intuitions religieuses, chacun certainement tracerait d’autres cadres pour fixer l’ordre dans lequel il en a eu les visions, soit juxtaposées, soit successives ; et cela dépendrait non de la nature de son esprit, mais d’une disposition fortuite, d’un petit détail. Chacun peut avoir son agencement à lui, ses rubriques à lui ; le particulier[1], ne peut ni gagner, ni perdre par là, et quiconque se rend vraiment compte de sa religion et de ce qui en est

  1. B : l’essentiel.