Aller au contenu

Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/166

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la religion. Les mêmes actes de l’Univers par lesquels il se révèle à vous dans le fini établissent aussi un nouveau rapport entre lui et votre esprit, votre état intérieur. Au moment où vous le contemplez intuitivement, vous devez nécessairement être saisi de divers sentiments. Avec cette différence seulement que, dans la religion, le rapport entre intuition et sentiment n’est pas le même, est plus solide, et que la première n’est jamais prépondérante au point que le second en soit presque effacé. C’est au contraire vraiment un miracle quand le monde éternel agit sur les organes de notre esprit comme le soleil sur notre œil, au moment où il nous aveugle au point que non seulement tout le reste dans l’instant disparaît, mais qu’en outre longtemps après encore, tous les objets que nous considérons en portent la marque et sont [68] inondés de son éclat. De même que la façon particulière dont l’Univers se présente dans vos intuitions détermine la particularité de votre religion individuelle, de même la force de ces sentiments détermine le degré de la religiosité. Plus le sens est sain, plus aiguë et nette sera sa manière de saisir chaque impression ; plus le besoin d’appréhender l’Infini est irrésistible, plus sera variée la façon dont l’esprit lui-même sera partout et constamment appréhendé par lui, plus complètement le pénétreront ces impressions, plus facilement elles se réveilleront toujours de nouveau, et garderont le dessus sur toutes les autres. Voilà jusqu’où s’étend de ce côté le domaine de la religion : les sentiments qui naissent d’elle doivent nous posséder, nous devons les exprimer, les garder solidement, les manifester ; mais si vous voulez aller au delà, si vous voulez qu’ils engagent à des actions proprement dites et poussent à des actes, alors vous vous trouverez dans un domaine étranger ; et si vous prenez néanmoins cela pour de la religion, si raisonnable et louable que paraisse votre comportement, vous êtes tombés dans une superstition qui n’a rien de religieux.

Toute activité proprement dite doit être morale et peut aussi l’être, mais les sentiments religieux doivent accompagner toutes les actions des hommes comme une sainte musique ; l’homme doit [69] tout faire avec religion, rien