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Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/165

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tout ce qui peut être est une vraie et indispensable image de l’Infini ; l’important pour chacun est seulement de trouver [66] le point d’où peut être découvert son rapport avec cet Infini. Si condamnable que puisse être une chose, soit par rapport à d’autres, soit en elle-même, à cet égard elle est toujours digne d’exister et d’être conservée et observée. Pour un esprit pieux, la religion confère sainteté et valeur à tout, même à ce qui est profane, même à ce qui est vulgaire, à tout ce qu’il saisit et ne saisit pas, à ce qui rentre dans le système de ses propres pensées et s’accorde avec sa manière particulière d’agir ou n’y rentre pas et ne s’accorde pas avec elle ; la religion est l’unique ennemie, et l’ennemie jurée, de toute pédanterie et de toute étroitesse[1].

Enfin, pour achever le tableau général de la religion, rappelez-vous que toute intuition, en vertu de sa nature, est liée à un sentiment. Vos organes sont les intermédiaires qui établissent la connexion entre l’objet et vous ; l’influence exercée par lui ; qui vous révèle son existence, ne peut pas ne pas les affecter de diverses manières, et ne pas produire une modification dans votre état de conscience interne. Ce sentiment, souvent il est vrai vous vous en rendez à peine compte, mais dans d’autres cas il peut atteindre à une telle violence que vous en oubliez et l’objet et vous-même ; tout votre système nerveux peut en être si pénétré que la sensation longtemps y domine [67] seule, y prolonge son écho et résiste à l’action d’autres impressions. Mais le fait qu’un acte est produit en vous, que l’activité spontanée de votre esprit est mise en mouvement, vous n’allez pourtant pas l’attribuer aux influences d’objets extérieurs ? Vous avouerez pourtant que cela dépasse de beaucoup la puissance des sentiments même les plus forts et doit avoir en vous une tout autre source. Il en est de même de

  1. Ce qu’il y a d’optimiste dans son monisme mystique entraîne Schleiermacher à cette profession de foi d’un « tout est pur pour les purs » dont bien des dévergondages individuels et collectifs ont montré les dangers. On pourrait voir là une raison d’estimer que ce danger est inhérent au monisme, porté par nature à considérer que tout est également nécessaire, et par suite à atténuer la différence entre le bien et le mal. Cf. p. 234, note 82.