Aller au contenu

Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/192

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tatives qui ont échoué : ce sont là des intuitions qui sautent aux yeux de telle sorte qu’elles peuvent être considérées comme une cause occasionnelle plutôt que comme un résultat de l’observation du monde. Beaucoup d’entre vous en ont aussi conscience, quelques-uns les appellent aussi religion, mais ils veulent que cela seul soit religion, et par là ils veulent exclure tous les autres éléments qui proviennent pourtant de la même façon d’agir [107] de l’esprit et tout à fait de la même manière.

Comment donc en êtes-vous[1] venus à ces fragments disjoints ? Je veux vous le dire. Vous ne considérez pas du tout cela comme de la religion, que vous méprisez également ; vous y voyez de la morale, et ne voulez, par cette substitution de nom, que donner à la religion — à ce qu’ensemble nous prenons à présent pour elle, — le dernier coup, le coup de mort. À ceux qui ne veulent pas le reconnaître, demandez-leur donc pourquoi, avec la plus étrange étroitesse, ils ne trouvent tout cela que dans le domaine de la moralité. La religion ne sait rien d’une préférence aussi partiale ; pour elle, le monde moral n’est pas non plus l’Univers, et ce qui ne vaudrait que pour le premier ne serait pas pour elle intuition de l’Univers. Dans tout ce qui relève de l’activité humaine, dans le jeu comme dans le sérieux, sur le plan de l’extrêmement petit comme de l’extrêmement grand, elle sait découvrir et suivre à la trace les actions de l’Esprit du monde ; ce qu’elle doit percevoir, il faut qu’elle puisse le percevoir partout, car c’est par là seulement que cela devient sien ; et ainsi elle trouve une Némésis[2] divine précisément dans le fait aussi que ceux-là justement qui, parce que, en eux-mêmes, seuls le moral ou le juridique domine, ne veulent faire de la religion qu’une annexe sans importance de la morale, et ne veulent prendre de la première que ce qui se prête à [108] être modelé de façon à prendre la figure de la seconde, dans le fait, dis-je, que par là même ceux-là corrompent irréparablement leur morale et sèment le germe de nouvelles erreurs. Il est très beau de déclarer : si l’on succombe en agissant moralement, c’est

  1. Ici comme en bien des endroits, B substitue la 2e personne du pluriel à la 3e, dans ces six lignes je me conforme au texte de B.
  2. Cf. p. 103, note 61.