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Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/201

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Elles sont d’autant plus importantes qu’elles ne désignent pas seulement quelque chose qui peut être général dans la religion, mais précisément ce qui en elle doit être général. Je vais jusqu’à dire : celui qui ne voit pas des miracles lui apparaître, qui en sont pour lui en particulier, du point de vue d’où il considère le monde ; celui dans l’intérieur de qui ne montent pas des révélations qui lui sont propres, quand son âme aspire à s’imprégner de la beauté du monde et à être pénétré de son esprit ; celui qui ne sent pas ici et là, avec la conviction la plus vivante, qu’un esprit divin le poussé, et qu’il parle et agit mû par une inspiration sainte ; celui qui n’a pas tout au moins, — car c’est là en fait le degré le plus bas, — conscience de ses sentiments comme effets d’une action immédiate exercée en lui par l’Univers, et ne discerne pas d’autre part en eux quelque chose qui leur est propre, et ne saurait être imité, et atteste qu’ils n’ont qu’en lui toute leur origine : celui-là n’a pas de religion.

Croire, ce qu’on appelle communément ainsi, admettre ce qu’un autre a fait, vouloir, penser et sentir à la suite ce qu’un autre a pensé et senti, c’est là un asservissement dur et indigne, au lieu d’être ce qu’il y a de plus haut [121] dans la religion comme on le croit ; cela doit être déposé au préalable par quiconque veut pénétrer dans son sanctuaire. Vouloir posséder et conserver cette croyance, prouve qu’on est inapte à la religion ; l’exiger d’autrui, montre qu’on ne la comprend pas. Vous, vous voulez marcher partout sur vos propres jambes et suivre votre propre voie ; que cette volonté digne de respect ne soit pas pour vous un motif de crainte qui vous détourne de la religion. Elle n’est pas un esclavage ni une captivité. Ici aussi vous devez vous appartenir à vous-mêmes, et c’est même la seule condition requise pour que vous puissiez en devenir participants.

Tout homme, à part quelques rares élus, a besoin sans doute d’un médiateur, d’un guide qui éveille du premier sommeil son sens pour la religion, et lui donne une première direction, mais ce ne doit être là qu’un état passager ; chacun doit ensuite voir par ses propres yeux, et produire lui-même la contribution qu’il ajoute aux trésors de la religion ; sinon il ne mérite aucune place dans son