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Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/21

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exaltent, surexcitent l’esprit de chacun des participants. Au sein de cette communauté, Novalis est le poète, en prose et en vers, Tieck le virtuose du récit fantastique et du drame mystique, A.-W. Schlegel est le critique, son cadet Frédéric joue le rôle d’animateur universel ; les plus nettement spécialisés sont les métaphysiciens, Fichte et Schelling, et Schleiermacher, le théologien.

Schleiermacher a fait partie de ce groupe. Il a été particulièrement lié avec Fr. Schlegel ; ils ont vécu ensemble pendant plusieurs mois, et ce camarade plus jeune semble avoir exercé sur lui une influence décisive, moins en lui suggérant des idées nouvelles qu’en augmentant en lui le dynamisme de celles qui prennent alors la force de principes organisateurs de son esprit, en lui inspirant aussi plus de confiance en son droit à formuler sa pensée dans ce qu’elle a de plus original, de plus hardi.

L’assurance idéologique de Fr. Schlegel agit comme roboratif sur l’idéalisme métaphysique que Schleiermacher doit à son christianisme originel, et qui a été alimenté en lui par le piétisme, par la doctrine platonicienne des idées, par la distinction kantienne entre le phénomène et le noumène, par la monadologie de Leibniz et par le panthéisme du Spinoza romantisé. Cet idéalisme prend un tour assez philosophique pour que les historiens de la philosophie tiennent compte de sa pensée, et cherchent à préciser dans quelle mesure elle se rapproche ou se distingue de celle de Spinoza ou de Leibniz, de Kant, de Jacobi, de Fichte, de Schelling, de Hegel. Cependant, il n’est pas arrivé, et d’ailleurs n’a pas visé, à constituer un système philosophique complet et original. Son originalité, c’est d’avoir cherché, et réussi selon sa conviction, partagée par de nombreux disciples, à concilier la philosophie idéaliste avec ce qu’il considère comme l’essentiel de la religion chrétienne. C’est là qu’est l’intérêt de ses Discours et l’importance de toute son œuvre. Il est avant tout un théologien, et la place qui lui revient dans l’histoire de l’esprit humain, il la doit à son rôle de réformateur du protestantisme réformé. On peut dire de lui qu’il a été à l’égard du protestantisme né de la Réforme de Luther et de Mélanchton, de Calvin et de Zwingli, ce que la Réforme a été à l’égard du catholicisme.

La Réforme a été dans son essence une réaction, née du