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Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/214

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heureux, même avec la meilleure volonté du monde, non seulement aviver en la communiquant la religion là où elle est, mais l’inoculer et l’inculquer par toutes les voies qui s’y prêtent : où se trouve donc une semblable voie ? Ce qui peut être opéré dans un être humain par l’art, et par une activité étrangère, se réduit à ceci : vous lui communiquez vos représentations des choses, et faites de lui un magasin de vos idées ; vous entrelacez assez celles-ci avec les siennes pour qu’il s’en souvienne à un moment opportun ; mais vous ne pouvez jamais obtenir comme résultat que, celles que vous voulez, il les produise[1], les tirant de lui-même. Vous voyez la contradiction, qui est inséparablement incluse dans les mots déjà. Vous ne pouvez pas même habituer [139] quelqu’un à répondre à une impression déterminée, si fréquemment qu’elle se répète, par une réaction déterminée ; vous pourriez bien moins encore l’amener à se dégager de cette connexion, et à engendrer librement, en cette occurrence, une activité intérieure.

En résumé, vous pouvez agir sur le mécanisme de l’esprit, mais dans l’organisation de celui-ci, dans ce laboratoire sacré de l’Univers, vous ne pouvez pas pénétrer à votre gré ; là vous ne pouvez rien changer ou déplacer, retrancher ou compléter, vous ne pouvez que retenir le développement et mutiler, par la violence, une partie de ce qui doit croître selon sa propre loi. C’est du plus intime de son organisation qu’il faut que procède ce qui doit faire partie intégrante de la vie de l’homme et demeurer en lui force impulsive toujours active et effective.

Or la religion est une de ces forces. Dans l’âme qu’elle habite, elle est agissante et vivante sans interruption ; elle fait de toute chose un objet pour elle-même ; de toute pensée, de toute action, elle fait un thème pour sa céleste fantaisie. Tout ce qui doit comme elle être dans l’âme humaine un élément continuellement présent et vivant[2] est tout à fait en dehors de ce qui s’enseigne et s’inculque. C’est pourquoi, pour quiconque voit ainsi la religion,

  1. Hervorbringen chez Pünjer est une faute d’impression, corrigée en hervorbringe chez Otto.
  2. Texte de B ; A disait simplement et bien vaguement : sein Continuum.