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Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/226

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Or cet objet, c’est le monde intérieur et non l’extérieur.

La psychologie explicative, le chef-d’œuvre de cette espèce d’intelligence, a [157] d’abord, après s’être épuisée et presque déshonorée par son manque de mesure, cédé de nouveau la place à l’intuition. Par conséquent, celui qui est un homme religieux est sûrement replié sur lui-même avec son sens, occupé à se contempler intuitivement lui-même, abandonnant pour le moment encore tout l’extérieur, l’intellectuel aussi bien que le physique, aux gens entendus, comme grand but de leurs recherches. De même, en vertu de la même loi, ce sont ceux que leur nature éloigne le plus du point central de tous ces adversaires de leur Univers, qui trouvent le plus facilement la transition pour passer à l’Infini. De là vient que, depuis longtemps, tous les esprits vraiment religieux se distinguent par une teinte de mysticisme, et que toutes les natures portées au fantastique, qui n’aiment pas à s’occuper des réalités que comportent les affaires de ce monde, ont des accès de religion : c’est le caractère de tous les phénomènes religieux de notre époque, ce sont les deux couleurs dont ils sont toujours composés, bien que dans les mélanges les plus divers. Je dis les phénomènes, car, vu l’état des choses, il n’y a pas davantage à attendre.

Les natures portées au fantastique manquent de pénétration d’esprit, d’aptitude à s’emparer de l’essentiel ; [158] un jeu léger et alternatif de combinaisons belles, souvent ravissantes, mais toujours fortuites et absolument subjectives, leur suffit et se trouve être pour elles ce qu’elles connaissent de plus haut ; c’est en vain qu’un ensemble de corrélations profondes et intérieures s’offre à leurs yeux. Ces natures ne cherchent à proprement parler que l’infinitude et la généralité de la charmante apparence, qui est beaucoup moins, ou aussi beaucoup plus, que ce que peut atteindre vraiment leur sens ; c’est à cette apparence qu’elles sont habituées à s’en tenir, et c’est pourquoi toutes leurs vues restent discontinues et fugitives. Leur esprit, est prompt à s’allumer, mais d’une flamme vacillante, frivole pour ainsi dire ; elles n’ont que des accès de religion, comme elles en ont d’art, de philosophie, et de toute chose grande ou belle dont il arrive que la surface les attire. Ceux par contre chez qui la reli-