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Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/236

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et indissoluble union avec cette nature, dont il est lui-même le centre le plus intérieur et la limite extérieure la plus extrême ; l’apparence s’est envolée, et l’être est conquis ; ferme est son regard et claire est sa vue ; partout, sous tous les déguisements, il reconnaît la même chose, et ne trouve de repos que dans l’Infini et l’Un. Je vois déjà quelques personnalités importantes initiées à ces mystères revenir, prenant seulement encore le soin de se purifier et de se parer pour se présenter vêtues d’habits sacerdotaux[1].

Si donc [173] l’autre déesse aussi se plaît à faire attendre longtemps sa secourable apparition[2], pour cela aussi l’époque nous apporte une grande et riche compensation. La plus grande œuvre d’art est celle dont la matière est l’humanité, celle que forme directement l’Univers, et chez beaucoup le sens s’ouvrira bientôt pour elle. Car l’Univers crée actuellement des formes avec un art vigoureux et hardi, et vous en serez les néocores quand les nouvelles formes créées seront exposées dans le temple du temps.

Interprétez l’artiste avec force et esprit, expliquez les œuvres postérieures par les précédentes et celles-ci par celles-là. Étreignons passé, présent et avenir, musée sans fin des œuvres d’art les plus sublimes, éternellement multipliées par mille brillants miroirs. Laissez l’histoire, ainsi qu’il convient à celle qui a des mondes à sa disposition, récompenser avec une prodigue gratitude la religion, reconnaissant en celle-ci celle qui la première a pris soin d’elle[3] ; laissez-la susciter à la puissance et à la sagesse éternelles de nouveaux et saints adorateurs. Voyez comme au milieu de vos cultures la plante céleste prospère sans que vous interveniez. N’en gênez pas la croissance et ne l’arrachez pas. Elle est une preuve de la satisfaction des dieux et de la pérennité de votre mérite ; elle est un ornement qui le pare, un talisman qui le protège.


  1. Il peut penser entre autres à Ritter, Novalis, Schelling, à Baader, Oken.
  2. Sans doute celle de l’art, lequel est si souvent associé à la science, et qu’évoque la phrase suivante.
  3. Cf. p. 100.