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Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/24

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les hommes et les femmes émancipés du cercle romantique, avaient suscité le blâme des protestants de stricte observance, en particulier de Sack, alors leur chef à Berlin, son protecteur. Ajoutons que sa vie était troublée par l’amour, amour parfaitement pur d’ailleurs, mais passionné, pour la femme d’un collègue, malheureuse avec son mari, et qu’il espérait épouser après le divorce, projet auquel ils surent tous deux renoncer du fait surtout de ses scrupules à elle. Il accepte alors un déplacement qui lui est plus ou moins imposé, quitte Berlin, et va occuper le poste de pasteur à Stolpe, petite ville au bord de la Baltique, non loin de Dantzig.

Il passe là deux ans, 1802-1804, dans la solitude et le recueillement, et publie en 1803 un Schéma d’une critique des systèmes de morale qui ont eu cours jusqu’à présent, où il s’applique en particulier à mettre d’accord entre eux Platon, Spinoza, Leibniz, Kant et Fichte. Il poursuit sa grande traduction des œuvres de Platon, dont la première partie paraît en 1804, la seconde paraîtra en 1809, la dernière en 1828.

Il est alors nommé professeur de théologie et de philosophie à l’Université de Halle, en Prusse saxonne. À mesure qu’il s’éloigne de la période romantique de Berlin et de son agitation intellectuelle, les éléments positifs du protestantisme reprennent dans son esprit plus de consistance. Cela se marque dans les importantes modifications et adjonctions qu’il apporte à ses Discours dans la seconde édition qu’il en publie en 1806, avec une dédicace à son ami Brinkmann signée cette fois de son nom, et dans son œuvrette la Fête de Noël de la même année, propos prêtés aux représentants de diverses idées philosophiques et religieuses, réunis autour d’un arbre de Noël.

Survient alors la débâcle de l’État prussien, Iéna, le 14 octobre 1806, et la grande crise nationale qui eut dans l’esprit de la plupart des Allemands de si profondes répercussions. Ainsi qu’il arrive communément en pareil cas, presque tous les individualistes dilettantes ressentirent sous ce choc la solidarité qui unit l’individu à la collectivité nationale, et l’importance, la valeur, de toutes les institutions traditionnelles nécessaires à la vie d’une société constituée en nation, à celle aussi d’une religion constituée en