Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/248

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combien volontiers il travaille à développer dans une âme nouvelle les premiers pressentiments de la religion : beau témoignage selon lui du fructueux développement de celle-ci même sous un climat étranger et rude ; dans quel sentiment de triomphe il entraîne avec lui le novice jusqu’à la hauteur atteinte par l’éminente assemblée. Ce soin qu’il donne à la propagation de la religion n’est que la pieuse nostalgie du sol natal chez l’exilé en terre étrangère, un effort pour porter avec soi sa patrie et pour en contempler partout les lois et les mœurs, éléments de sa vie plus haute et plus belle ; la patrie elle-même, qui jouit de la parfaite félicité et se suffit complètement à elle-même, cette aspiration et cet effort ne la connaît pas non plus[1].

Après tout cela vous direz peut-être que je parais être tout à fait d’accord avec vous : [191] j’ai construit l’Église selon ce que comporte le concept correspondant à son but, et lui contestant tous les caractères qui la distinguent actuellement[2] j’ai désapprouvé sa figure présente tout aussi sévèrement que vous. Mais je vous assure que ce dont j’ai parlé, ce n’est pas ce qui doit être : j’ai parlé de ce qui est, qui est vraiment, pour peu que vous ne vouliez pas nier qu’existe déjà réellement ce que seules des limitations de l’espace empêchent d’apparaître aussi au regard moins pénétrant. L’Église véritable a en fait toujours été ainsi, elle est encore ainsi, et si vous ne la voyez pas ainsi, la faute en est à proprement parler à vous, et vient d’un malentendu assez facile à constater. Tenez seulement compte, je vous prie, du fait que, pour me servir d’une expression vieille mais très pleine de sens j’ai parlé non de l’Église militante, mais de l’Église triomphante, non de celle qui lutte encore contre tous les obstacles à la culture religieuse que dresse sur son chemin notre époque et l’état de l’humanité, mais de celle qui a déjà surmonté tout ce qui s’opposait à elle, et s’est constituée. Je vous ai décrit une société d’hommes qui sont

  1. Ou : « ne la connaît par suite pas » ; la phrase est ambiguë.
  2. On ne voit pas bien le lien logique entre cette phrase : indem ich ihr alle die Eigenschaften welche sie jetzt auszeichnen abgesprochen, et la précédente et la suivante.