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Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/256

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par l’entendement, ou à la foi, à l’activité et à l’observation de certains usages, qu’à la contemplation intuitive et à la sensibilité, que par suite, si éclairée que soit sa doctrine, elle se meut toujours à la limite de la superstition, et dans la dépendance d’une mythologie quelconque. Mais vous avouerez qu’elle n’en est que plus éloignée de la vraie religion. J’accorde que cette société ne peut pas exister et durer sans une différence permanente entre prêtres [203] et laïques, car celui de ces derniers qui parviendrait à pouvoir être lui-même prêtre, c’est-à-dire, à avoir en soi la vraie religion, ne pourrait absolument pas rester laïque et continuer à se comporter comme s’il n’en avait point ; il aurait bien plutôt la liberté et l’obligation de quitter cette société et de chercher la vraie Église. Cependant une chose reste certaine, c’est que cette séparation, avec tout ce qu’elle comporte de contraire à la dignité et toutes les fâcheuses conséquences qu’elle peut entraîner, ne procède pas de la religion ; elle est bien plutôt elle-même quelque chose de tout à fait irréligieux.

Mais ici précisément je vous entends soulever une nouvelle objection, qui semble faire retomber de nouveau tous ces reproches sur la religion. Vous me rappellerez que j’ai moi-même dit que la grande société ecclésiastique, celle que je conçois comme institution pour les apprentis en religion, doit, ainsi le veut la nature des choses, prendre ses guides, ses prêtres, uniquement parmi les membres de l’Église véritable, parce qu’elle n’a pas en elle-même le vrai principe de la religion[1]. S’il en est ainsi, direz-vous, comment donc les virtuoses[2] de la religion peuvent-ils, là où ils ont à dominer, où tout écoute leur voix, où ils ne devraient eux-mêmes écouter que la voix de la religion, comment peuvent-ils supporter tant de choses qui doivent être tout à fait contraires à l’esprit de la religion, et plus que les supporter, les produire eux-mêmes[3], [204] car à qui l’Église doit-elle toute son organisation, sinon aux prêtres ? Ou bien, s’il n’en est pas

  1. Cf. p. 200.
  2. B : ceux qui en religion sont parfaits.
  3. Adjonction de B sans laquelle le plus que les supporter » n’est pas expliqué.