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Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/259

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l’apparaît que ces nouveaux venus[1] ne peuvent ni supporter ni partager l’état dans lequel se trouvent ceux qui les ont appelés ; ces derniers[1] s’abaissent charitablement au diapason des nouveaux venus, et renoncent à leur propre jouissance plus haute et plus intérieure pour leur venir en aide : c’est ainsi que tout prend cette figure imparfaite. Et de la même façon, sans cause extérieure, par suite naturelle de la corruption commune à toutes les choses humaines, conformément à la loi éternelle d’après laquelle c’est précisément la vie la plus ardente et la plus active qui est le plus vite atteinte par cette corruption, autour de chaque partie de la vraie Église qui surgit quelque part dans le monde à l’état isolé, se forme, non pas séparée de celle-ci mais en elle et avec elle, une Église fausse et dégénérée. Ainsi en a-t-il été en tout temps, chez tous les peuples et dans chaque religion particulière.

Cependant, si on laissait toutes choses suivre tranquillement leur propre cours, il serait impossible que cette situation eût n’importe où duré [208] longtemps. En effet, versez des matières de poids et de densité différentes, et de peu de force d’attraction réciproque, dans un récipient, mêlez-les ensemble en les agitant de la façon la plus violente, de telle sorte que tout paraisse n’être qu’une seule masse ; si vous la laissez reposer, vous verrez comme tout peu à peu se sépare de nouveau, et comme seulement ce qui se ressemble s’assemble. Il en aurait été de même ici, car c’est le cours naturel des choses. La véritable Église se serait silencieusement de nouveau séparée, pour jouir de la sociabilité plus intime et plus haute dont les autres n’étaient pas capables ; le lien unissant ces dernières entre elles aurait alors été autant dire dénoué, et leur passivité naturelle aurait dû attendre n’importe quoi venant du dehors pour déterminer ce qui devait advenir d’eux. Mais ils ne seraient pas restés abandonnés par les membres de la véritable Église : qui, en dehors de ceux-ci, aurait eu le moindre intérêt à s’occuper d’eux ? Quel attrait leur état aurait-il bien pu exercer qui orientât vers eux les desseins d’autres hommes ? Quel

  1. a et b Il m’a paru nécessaire de remédier, par l’adjonction de ces deux précisions, au vague extrême de l’expression.