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Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/260

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gain, ou quelle gloire auraient-ils donné l’occasion d’acquérir ? Par conséquent, les membres de la véritable Église seraient restés au milieu d’eux, maîtres de reprendre parmi eux leur fonction sacerdotale sous une forme nouvelle et mieux adaptée. [209] Chacun aurait rassemblé autour de la ceux précisément qui le comprennent le mieux, sur lesquels sa manière d’agir pouvait avoir le plus d’action, et au lieu de la monstrueuse communauté, dont l’existence vous fait soupirer aujourd’hui, serait née une grande quantité de sociétés plus petites et de contours peu définis dans lesquelles les hommes se seraient tantôt ici, tantôt là, examinés et éprouvés de toutes sortes de façons en ce qui concerne la religion, et où le séjour n’aurait été qu’un état passager, état de préparation pour celui dont le sens pour la religion se serait ouvert, état décisif pour celui qui se serait trouvé incapable d’en être saisi d’une façon quelconque[1]. Ô âge d’or de la religion, quand les révolutions des choses humaines t’amèneront-elles par artifice, n’ayant pas été atteint par la voie simple de la nature ? Salut à ceux qui seront appelés alors ! Les dieux leur seront favorables, et une riche bénédiction accompagnera leurs efforts dans la mission qu’ils poursuivront d’aider les débutants, et d’aplanir pour ceux qui sont encore mineurs la voie qui conduit au temple de l’Éternel, efforts qui nous rapportent à nous, hommes d’aujourd’hui, aux prises avec les circonstances les plus défavorables, de si pauvres fruits. Vœu profane, sans doute, mais que je peux à peine m’interdire[2].

Combien il serait souhaitable que [210] même le plus lointain pressentiment de la religion fût resté à jamais étranger à tous les chefs d’État, à tous les virtuoses[3] et artistes de la politique ! Combien il serait souhaitable qu’aucun d’eux n’eût jamais été entraîné par la violence de cet enthousiasme épidémique, du moment qu’ils ne savaient pas séparer leur individualité de leur profes-

  1. Dans le commentaire no 15 de 1821, l’auteur ne juge pas inutile de reconnaître que ni la notion du passager ni celle du décisif ne doivent être prises ici au pied de la lettre.
  2. B : m’interdire de l’exprimer.
  3. Il n’est pas sans intérêt de constater qu’ici, où il est question de politique, Schleiermacher a maintenu le mot qu’il remplace treize fois sur quatorze par un autre quand il s’agit de religion.