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Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/261

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sion et de leur caractère public. Car cela est devenu pour nous la source de toute corruption. Pourquoi a-t-il fallu qu’ils apportassent dans l’assemblée des saints la mesquine vanité et l’étrange fatuité par suite desquelles les avantages qu’ils sont à même de dispenser sont partout et sans distinction choses d’importance ? Pourquoi a-t-il fallu qu’ils rapportassent de là dans leurs palais et leurs tribunaux le respect éprouvé pour les serviteurs du sanctuaire ? Vous avez raison de souhaiter que jamais la frange d’un vêtement sacerdotal n’eût frôlé le sol d’une demeure royale. Mais souhaitons aussi que jamais la pourpre n’eût baisé la poussière devant l’autel ! Si ceci n’était pas arrivé, cela ne s’en serait pas suivi. Oui, combien il serait à souhaiter qu’on n’eût jamais laissé un prince pénétrer dans un temple sans qu’il eût auparavant déposé à la porte le plus bel ornement de sa royauté : la riche corne d’abondance de toutes ses faveurs et décorations ! Mais [211] ils l’ont prise avec eux ; ils se sont imaginé pouvoir parer la simple grandeur de l’édifice céleste en le décorant de pièces et morceaux détachés de leur magnificence terrestre, et, au lieu d’un cœur consacré, ce qu’ils ont laissé derrière eux comme offrandes à l’être suprême, ce sont des dons terrestres.

Toutes les fois qu’un prince a conféré à une Église le caractère de corporation, de communauté dotée de privilèges particuliers, la qualité de personne de distinction dans la société civile — or cela n’est jamais arrivé que quand déjà s’était produite cette situation malheureuse dans laquelle la communauté des croyants et celle des aspirants à la croyance, le vrai et le faux, tout ce qui bientôt se serait séparé de nouveau à jamais, était déjà amalgamé, car jamais avant cela une société religieuse n’était assez grande pour attirer l’attention des souverains — aussi souvent, dis-je, qu’un prince s’est laissé entraîner à cet acte, le plus dangereux et pernicieux de tous, la corruption et la perte de cette Église était irrévocablement décidée et commencée. Un tel acte, constitutif d’existence politique, agit sur la société religieuse comme la terrible tête de la Méduse : à son apparition, tout se pétrifie. Tout ce qui, n’étant pas de même nature, n’était lié que pour un instant, se trouve dès lors enchaîné indis-