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Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/262

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solublement ; [212] tout l’adventice, qui aurait facilement pu être éliminé, est maintenant fixé à jamais ; le vêtement ne fait plus qu’un avec le corps, et chaque pli malséant est là comme pour l’éternité. La majorité de la société, ceux qui ne devraient pas en faire partie, ne se laisse plus séparer de la minorité, sa partie supérieure, comme elle devrait pourtant en être séparée ; elle ne se laisse plus diviser ni dissoudre ; elle ne peut plus changer ni sa forme ni ses articles de foi ; ses façons de voir, ses usages, tout est condamné à rester opiniâtrement dans l’état ou cela se trouvait être à ce moment.

Mais ce n’est pas encore tout. Les membres de la véritable Église, qui font partie avec les autres de la société religieuse générale, sont dès lors autant dire exclus par force de toute participation à la direction de celle-ci, et mis hors d’état de faire pour elle le peu qui pourrait encore être fait. Car il y a maintenant plus à diriger qu’ils ne peuvent et veulent le faire : il y a des choses terrestres à régler dont il faut s’occuper, et si même ils s’y entendent dans leurs affaires familiales et civiles, ils ne peuvent pourtant pas les traiter comme objets de leur fonction sacerdotale. Il y a là une contradiction qui ne leur entre pas dans l’esprit et dont ils ne peuvent jamais prendre leur parti ; cela ne s’accorde [213] pas avec leur haute et pure conception de la religion et de l’esprit de société religieux. Ni pour la véritable Église à laquelle ils appartiennent, ni pour la société plus grande qu’ils ont à diriger, ils ne peuvent comprendre ce qu’ils doivent faire des maisons et des champs qu’ils ont acquis et des richesses qu’ils peuvent posséder, et en quoi cela doit aider à atteindre le but qu’ils se proposent. Cet état de choses contre nature les met hors d’eux-mêmes, les trouble. Si maintenant il arrive de plus qu’une telle situation attire tous ceux qui, sans cela, seraient toujours restés en dehors de cette société, si c’est maintenant devenu l’intérêt de tous les orgueilleux, les ambitieux, des cupides et intrigants, de forcer l’entrée de l’Église, dans la communauté de laquelle ils n’auraient ressenti sans cela que le plus amer ennui ; si alors ces gens-là se mettent à feindre hypocritement de s’intéresser aux choses saintes et de les connaître, à seule fin d’en récolter le salaire terrestre,