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Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/264

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recevoir, lui, de ses mains à elle, pour les inscrire sur la liste de ses pupilles à lui ; quand elle donne aux adolescents, au moment où pour la première fois leur regard pénètre dans les sanctuaires de la religion, le premier baiser fraternel, il veut que ce soit pour lui aussi le certificat du premier degré de leur indépendance civile ; quand, avec de pieux souhaits réciproques, elle consacre la fusion de deux personnes qui deviennent par là des instruments de l’Univers créateur, il veut que ce soit en même temps la sanction qu’il donne à leur union civile[1] ; et même le fait qu’un être humain a disparu du théâtre de ce monde, il ne veut pas y croire avant d’avoir reçu d’elle l’assurance que cet être a rendu son âme à l’Infini et enseveli sa poussière au sein de la sainte terre. Il y a sans doute un témoignage de respect pour la religion, et [216] la marque d’un effort pour rester toujours conscient de ses propres limites, dans le fait que l’État s’incline ainsi toujours devant elle et ceux qui la vénèrent quand il reçoit quelque chose des mains de l’Infini ou le leur restitue ; mais on voit très clairement comment tout cela aussi n’agit que de façon à corrompre et perdre la société religieuse. Dans toutes les institutions de cette dernière il n’y a plus rien qui se rapporte exclusivement à la religion, ou en quoi simplement celle-ci soit la chose principale : dans les saints discours et enseignements aussi bien que dans les actes mystérieux et symboliques, tout est plein de choses ayant trait à la morale et à la politique, tout est détourné de son but et de son concept primitifs. C’est pourquoi parmi ses chefs il y en a beaucoup qui n’entendent rien à la religion, et parmi ses membres il y en a beaucoup à qui il ne vient pas à l’esprit de vouloir la chercher.

Une société religieuse à laquelle choses semblables peuvent arriver, qui reçoit avec une vaniteuse humilité des bienfaits qui ne lui servent à rien, et assume avec un empressement rampant des charges qui la précipitent dans la ruine ; qui laisse abuser d’elle une puissance étrangère ; qui abandonne pour un vide apparat la liberté et

  1. Même observation que ci-dessus au sujet de la note 19 de 1821, qui porte sur le baptême, la confirmation et le mariage.