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Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/265

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l’indépendance qui lui sont pourtant innées ; qui renonce à son but [217] haut et sublime pour s’en laisser détourner par des choses tout à fait extérieures à ses fins : une telle société ne peut pas, je pense que cela saute aux yeux, être une société d’hommes ayant une aspiration déterminée et sachant exactement ce qu’ils veulent. Ce court aperçu sur l’histoire de la société ecclésiastique est, je pense, la meilleure preuve qu’elle n’est pas la vraie société des hommes religieux et que tout au plus des particules de cette dernière se sont trouvées mêlées à la première, submergées par des éléments étrangers ; il prouve aussi, je pense, qu’il fallait que le tout, pour laisser pénétrer en lui le premier germe de cette incommensurable corruption, fût déjà dans un état de fermentation maladive, qui anéantit bientôt complètement les quelques rares parties saines. Si elle avait été remplie d’un saint orgueil, la véritable Église aurait refusé des dons qu’elle ne pouvait pas utiliser, sachant bien que ceux qui ont trouvé la Divinité et jouissent d’elle en commun, animés qu’ils sont d’un esprit de société pur dans lequel ils ne veulent qu’extérioriser et exprimer leur existence la plus intime, ne possèdent à proprement parler rien en commun dont la propriété dût leur être garantie par une puissance de ce monde, car ils n’ont besoin sur terre, et ne peuvent avoir besoin, que d’un [218] langage pour se comprendre et d’un espace où se réunir, choses pour lesquelles ils n’ont nullement à recourir à des princes et à des faveurs princières.

Si néanmoins s’impose une institution intermédiaire, par l’entremise de laquelle la véritable Église ait un certain contact avec le monde profane, avec lequel elle n’a[1] directement rien à faire, et s’il lui faut comme qui dirait une atmosphère par laquelle elle se purifie à la fois et attire et forme aussi une nouvelle matière, quelle forme cette société doit-elle donc revêtir, et comment pourrait-on lui faire éliminer le principe de corruption dont elle s’est imbibée ? Laissons au temps le soin de répondre à cette dernière question : il y a mille chemins différents qui mènent à tout ce qui doit un jour quel-

  1. C : n’aurait.