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Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/267

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est-elle [220] moins nécessaire dans tout art où l’élève progresse par suite de ses exercices, et où l’enseignement est utile surtout par la critique qu’il exerce, qu’elle ne l’est dans la religion, où tout ce que le maître enseignant peut faire, c’est montrer et rendre manifeste. Ici, tout son travail doit rester vain si les mêmes choses ne sont pas pour tous non seulement compréhensibles, mais adaptées et salutaires. Ce n’est donc pas dans l’ordre et le rang dans lesquels ils lui ont été attribués conformément à quelque ancienne répartition, ou selon le voisinage de leurs maisons, ou selon leur inscription sur les listes de la police, que l’orateur sacré doit se voir impartis ses auditeurs, mais en raison d’une certaine analogie des aptitudes et de la façon de sentir et penser[1]. Admettons cependant que ne se réunissent autour d’un maître que des êtres également proches de la religion : ils ne le sont tout de même pas de la même manière, et il est tout à fait absurde de vouloir imposer à n’importe quel apprenti un maître déterminé, car il ne peut pas y avoir, sur le plan religieux, un virtuose[2] capable, par sa façon de présenter les choses et par sa parole, de faire surgir aux yeux de quiconque vient à lui le germe caché de la religion. Le domaine de celle-ci est en effet trop vaste.

Rappelez-vous la diversité des voies par lesquelles l’homme passe de l’intuition [221] du fini à celle de l’infini, et que c’est par là que sa religion revêt un caractère propre et déterminé ; pensez aux diverses modifications des formes sous lesquelles l’Univers peut être saisi intuitivement, aux centaines d’intuitions distinctes, et aux diverses façons dont celles-ci peuvent être combinées pour s’éclairer réciproquement ; réfléchissez qu’il faut que quiconque cherche la religion la trouve sous la forme déterminée appropriée à sa prédisposition et à son point de vue, si l’on veut que sa religion à lui soit réellement stimulée. Vous trouverez alors qu’il doit être impossible à tout maître de devenir tout pour tous, et pour chacun ce dont chacun a particulièrement besoin, parce qu’il est

  1. Le commentaire no 21 de 1821 reconnaît que c’est seulement dans les Églises à nombreux adhérents des grandes villes qu’il serait possible, et non sans bien des difficultés, de tabler sur des différences notables entre de telles analogies.
  2. B : un être assez universellement réceptif et cultivé.