Aller au contenu

Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/272

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’ordre[1] ecclésiastique favorisé par l’État à compter beaucoup, pour la réalisation du vœu le plus intime de leur cœur, sur les résultats que, à l’égard de cette situation, ils pourraient obtenir par la parole. Ils ont à se garder de parler toujours, ou même de parler souvent religion : ils doivent ne jamais parler religion pure qu’à des occasions solennelles, pour éviter d’être infidèles à la mission morale[2] à laquelle ils sont préposés. Mais il est une chose qu’on ne pourra pas ne pas leur laisser : ils peuvent prêcher et propager l’esprit de la religion par une vie sacerdotale. Que cela soit leur réconfort et leur plus belle récompense. Dans une personnalité sainte, tout a une signification importante ; chez un prêtre de la religion reconnu comme tel, tout a un sens canonique.

Que ces hommes donc fassent d’eux-mêmes des représentants de la religion dans tous les mouvements qu’ils exécutent ; que, même dans les occurrences ordinaires de la vie, [228] tout en eux soit l’expression d’une âme pieuse ; que la sainte ferveur avec laquelle ils traitent toutes choses montre que, même dans les détails pardessus lesquels un esprit profane passe légèrement, en eux résonne la musique de sentiments sublimes ; que le calme majestueux avec lequel ils posent comme égales les choses grandes et petites prouve qu’ils rapportent tout à l’immuable, et aperçoivent la divinité également en tout ; que la gaîté souriante avec laquelle ils côtoient et dépassent tout ce qui est éphémère manifeste à chacun à quelle hauteur ils vivent au-dessus du temps et du monde ; que l’abnégation de soi la plus aisée révèle ce qu’ils ont déjà anéanti des limites de la personnalité[3], et que leur sens toujours éveillé, toujours ouvert, auquel rien n’échappe, ni de ce qui est le plus rare ni de ce qui est le plus vulgaire, montre avec quel zèle infatigable ils cherchent l’Univers et en épient les manifestations. Si de la sorte toute leur vie, et chaque mouvement de leur figure intérieure et extérieure, est une œuvre d’art sacerdotale, ce langage muet ouvrira peut-être chez plusieurs le sens pour ce qui habite en eux.

  1. Der Orden ; cf. p. 4, note 5.
  2. C : politique.
  3. Cf. p. 131.