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Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/278

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un avec lui, si vous le considérez dans ce moment, le plus précieux de l’existence humaine, renvoie sur vous, inaltéré, le rayon céleste.

L’idée de la nature intime de la religion que je vous ai communiquée vous a-t-elle imposé pour celle-ci l’estime que vous lui avez souvent refusée par suite de conceptions fausses, et parce que vous vous arrêtiez à des détails fortuits ? Mes pensées sur la corrélation qui existe entre cette disposition, immanente en nous tous, et les [237] autres dons excellents et divins départis par ailleurs à notre nature, vous ont-elles incités à une contemplation intuitive plus pénétrante de notre être et de notre devenir ? Dans cette communion des esprits, plus sublime et si méconnue, où chacun, comptant pour rien la gloire de sa libre volonté propre, pour rien la possession souveraine de sa personnalité la plus intime et du secret de celle-ci, se livre de son plein gré, pour se laisser contempler, en tant qu’il est une œuvre de l’éternel Esprit du monde plasmateur de toutes choses[1] — dans cette communion, dis-je, admirez-vous maintenant, du point de vue plus élevé que je vous ai montré, ce qu’il y a de plus sacré dans l’esprit de société, ce qui est incomparablement supérieur à toute liaison terrestre, plus sacré que même le lien d’amitié le plus tendre entre esprits de délicate moralité ? Et ainsi toute la religion, dans son infinité, dan sa force divine, vous a-t-elle ravis en admiration ? Je ne vous le demande pas, car je suis certain du pouvoir qu’exerce un tel objet, pouvoir qu’il suffisait de libérer de sa gangue pour qu’il agît sur vous.

Mais à présent une nouvelle tâche m’incombe, et j’ai à vaincre une nouvelle résistance. Je veux vous mener pour ainsi dire au Dieu devenu chair ; je veux vous montrer la religion telle que, dépouillée de son infinitude, elle est apparue parmi les hommes, [238] sous une forme souvent minable : il s’agit que, dans les religions mêmes, vous découvriez la religion ; il s’agit que, dans ce qui se présente à vous sous un aspect terrestre, déchu de sa pureté, vous cherchiez à retrouver, isolés, épars, les traits

  1. Cf. p. 233-34.