Aller au contenu

Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/282

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’âme aussi dépouillé de préjugés que possible, vous approcher pour les considérer de près de toutes celles qui se sont déjà développées, telles que, au cours et sous les aspects changeants de l’évolution, en ceci aussi progressives de l’humanité, elles ont jailli du sein éternellement riche de l’Univers.

Vous appelez religions positives ces manifestations religieuses déterminées dont on peut constater l’existence, et qui, sous ce nom, ont été depuis longtemps déjà [243] l’objet d’une haine toute particulière ; par contre, avec toute votre répugnance à l’égard de la religion en général, vous avez toujours admis plus facilement cette autre chose qu’on appelle la religion naturelle, et même vous en avez parlé avec estime. Je n’hésite pas à vous permettre tout de suite un coup d’œil sur mes sentiments les plus intimes à cet égard, en protestant quant à moi de la façon la plus nette contre cette préférence, et en dénonçant là, chez tous ceux qui prétendent avoir de la religion, de quelque nature que ce soit, et aimer la religion, en dénonçant là chez eux, dis-je, l’inconséquence la plus grossière et l’autoréfutation la plus flagrante, et cela pour des raisons auxquelles vous donnerez certainement votre approbation quand j’aurai pu les développer. De votre part au contraire, chez vous à qui répugnait la religion en général, j’ai toujours trouvé très naturel que vous fissiez cette distinction.

Ce qu’on appelle religion naturelle est ordinairement si élimé, et a des manières si philosophiques et morales, qu’elle laisse peu transparaître du caractère particulier de la religion ; elle a tant de savoir-vivre, sait si bien observer la mesure et s’adapter, qu’elle est partout aisément tolérée. Toute religion positive au contraire a des traits fortement accentués et une physionomie très marquée, de telle sorte qu’à chaque mouvement [244] qu’elle fait, à chaque coup d’œil qu’on jette sur elle, on est immanquablement rappelé à ce qu’elle est dans son être propre particulier. Si telle est la vraie raison intime de votre aversion, — et c’est la seule valable à l’égard de la chose elle-même, — il vous faut maintenant vous départir de cette répugnance, et je ne devrais plus avoir à la com-