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Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/293

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se développeront[1]. Notez bien que le panthéisme et le déisme ne sont pas des formes déterminées de la religion, notez-le, afin de pouvoir assigner la place qui lui convient à votre religion naturelle, si par hasard il devait apparaître qu’elle n’est que cela.

Pour le dire brièvement, une religion individuelle, telle que nous la cherchons, ne peut naître que du fait qu’une intuition particulière de l’Univers, n’importe laquelle, soit, par un acte de libre volonté spontanée — il ne saurait en être autrement parce que toute autre que la choisie y aurait le même droit — qu’une intuition particulière soit, dis-je, instituée point central de toute la religion, de telle sorte que tout en celle-ci soit rapporté [260] à ce centre. Par là le tout se trouve d’un coup investi d’un esprit déterminé et d’un caractère commun ; tout ce qui jusque-là était polyvalent et indéterminé prend de la fixité ; des innombrables vues et relations d’éléments particuliers, qui toutes étaient possibles, et toutes avaient à prendre forme, l’une se trouve être, par chaque formation de ce genre, parfaitement réalisée ; tous les éléments particuliers apparaissent dès lors d’un même côté homonyme, celui qui est tourné vers ce centre, et tous les sentiments revêtent par là une tonalité commune, et deviennent plus vivants et plus synergiques les uns par rapport aux autres. Ce n’est que dans la totalité de toutes les formes ainsi conçues comme possibles, que la religion totale peut être vraiment réalisée[2] ; elle ne prend donc forme que dans une succession infinie de figures qui surgissent et passent, et seul ce qui en revêt une contribue à compléter cette totalité de sa manifestation. Chacune des semblables formes déterminées de la religion, où tout est vu et senti par rapport à une intuition centrale, où et comme qu’elle prenne corps, et quelle que soit l’intuition qui a été choisie de préférence, constitue une vraie religion positive. Par rapport à l’ensemble total c’est une

  1. La note 6 de 1821 explique cette affirmation de 1799 par des renseignements de missionnaires de l’époque sur certaines religions fétichistes ; depuis lors, déclare l’auteur, ces faits ont changé d’aspect.
  2. Wirklich gegeben ; cf. p. 249, note 12.