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Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/294

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hérésie — mot qu’on [261] devrait remettre en honneur[1] — parce que la cause de son surgissement est quelque chose de suprêmement arbitraire. Par rapport à la communauté de tous les participants, et de leur relation avec celui qui a le premier fondé leur religion, parce qu’il a le premier vu cette intuition au centre de la religion, c’est en soi une école, et un cercle de disciples. Et si la religion ne se manifeste réellement que dans et par de semblables formes déterminées, il en résulte que seul celui qui, avec la sienne, s’établit au sein de l’une d’elles, a vraiment un domicile stable et je dirai un droit de cité actif dans le monde religieux ; lui seul peut se vanter de contribuer à l’existence et au devenir du tout. Lui seul est une vraie personne religieuse, douée d’un caractère et de traits stables et déterminés.

Suit-il de là, demanderez-vous un peu déconcertés, que tous ceux dans la religion de qui une intuition est la dominante doivent se rattacher à une des formes existantes ? Nullement ; mais il faut qu’une intuition soit la dominante dans sa religion, sinon, celle-ci est autant que rien. Ai-je donc parlé de deux ou trois figures déterminées et dit qu’elles doivent rester les seules ? Non. D’innombrables doivent au contraire se développer, surgir de toutes parts, et celui qui [262] ne peut pas s’adapter à l’une de celles qui existent déjà, je dirais volontiers : celui qui n’aurait pas été capable de la confectionner lui-même, si elle n’avait pas encore existé, celui-là ne se rattachera pas non plus à l’une des existantes mais en confectionnera une nouvelle[2]. S’il reste seul avec sa religion, sans disciples, il n’en résultera aucun dommage. Toujours et partout, existent des germes de ce qui ne peut pas encore atteindre à une existence plus largement répandue ; ils n’en existent pas moins, et la religion de celui dont je parle existe aussi ; elle a tout aussi bien une figure et une organisation déterminées, elle est tout aussi bien une religion proprement positive, que s’il avait fondé la plus grande école.

  1. Dans la note 7 du commentaire de 1821, l’auteur veut justifier historiquement cette assertion, en rappelant comment le mot était appliqué par les Grecs à la philosophie.
  2. B : sera tenu d’en produire une nouvelle en lui-même. Dans le commentaire de 1821 no 8, l’auteur s’applique à nuancer sa pensée à ce sujet. Cf. ici p. 122, note 89, et p. 305, note 84.