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Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/298

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à la même époque et dans la même région de la religion que lui, mais particularisée par ce qu’il ne peut avoir en commun avec personne, par l’influence perdurante de l’état dans lequel se trouvait son âme quand pour la première fois l’Univers l’a saluée et embrassée[1], par la façon particulière dont il élabore les considérations et réflexions qui s’y rapportent, par le caractère et la tonalité avec lesquels s’harmonise toute la série ultérieure de ses vues et de ses sentiments religieux, et qui jamais ne s’effacent, si avant qu’il progresse plus tard dans la contemplation intuitive de l’Univers, par delà ce que lui offrait la première enfance de sa religion.

Tout être intellectuel fini atteste sa nature spirituelle et son individualité par le fait qu’il vous ramène, parce que là est son origine, à ce mariage de l’Infini avec le fini, à ce fait incompréhensible, par delà lequel vous ne pouvez pas poursuivre plus loin la série du fini, et où votre imagination vous refuse ses services quand vous voulez expliquer ce fait par n’importe quoi d’antérieur, que ce soit libre volonté ou nature ; [268] de même devez-vous reconnaître une vie spirituelle particulière à quiconque vous présente comme document de son individualité religieuse un fait tout aussi incompréhensible, la façon dont tout d’un coup, au milieu du fini et du particulier, s’est développée en lui la conscience de l’Infini et de la Totalité. Quiconque peut indiquer ainsi le jour de naissance de sa vie spirituelle, et raconter quelque histoire miraculeuse au sujet de l’origine de sa religion, de telle sorte que celle-ci apparaît comme l’effet d’une action directe et d’une impulsion[2] de l’esprit de la divinité : cet homme, vous avez à considérer qu’il doit être quelque chose d’original, et signifier quelque chose de particulier, car chose pareille ne survient pas pour produire une tautologie vide dans le domaine de la religion[3]. Et de même que tout être né de cette manière ne peut être expliqué

  1. Ceci rappelle la description épithalamique de l’intuition de l’Univers dans le 2e discours, p. 73-75.
  2. Regung.
  3. La note 10 de 1821 reconnaît que l’importance des « moments déterminants » a été ici exagérée, qu’ils sont loin d’être toujours aussi décisifs, et que le sentiment religieux peut aussi naître et se développer de façon presque insensible.