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Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/303

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n’ont connaissance de rien dont l’homme devrait être saisi d’une manière particulière. La foi en un Dieu personnel, ils savent eux-mêmes qu’elle n’est pas le résultat d’une intuition particulière et déterminée de l’Univers dans le fini ; c’est pourquoi ils ne demandent à aucun de ceux qui la [275] partagent comment il y est venu ; ils veulent la démontrer, et pensent qu’elle doit être de même administrée à tous, par voie démonstrative. Un autre centre, plus déterminé, qu’ils auraient, vous auriez de la peine à me le montrer.

Le peu que contient leur maigre et mince religion n’est que polyvalence indéterminée. Ils ont une providence en soi, une justice en soi, une éducation divine en soi : toutes ces intuitions ils les voient les unes par rapport aux autres, tantôt dans une perspective et un raccourci, tantôt dans d’autres, et elles ont pour eux tantôt cette valeur-ci tantôt celle-là ; ou, quand il arrive qu’on y trouve une relation commune avec un point, ce point est situé en dehors de la religion, et cette relation se rapporte à quelque chose d’étranger à elle : éviter tout obstacle mis à la moralité, donner quelque aliment à la recherche instinctive de la félicité choses dont jamais n’ont eu souci, dans l’agencement structurel des éléments de leur religion, les hommes vraiment religieux, connexions par suite desquelles l’indigent patrimoine religieux des partisans de la religion naturelle est encore plus éparpillé et dispersé. Elle n’a donc, cette religion naturelle, pour ses intuitions religieuses, rien de l’unité d’une vue déterminée ; elle n’est donc pas non plus une forme [276] déterminée, une représentation individuelle de la religion, et ceux qui ne professent qu’elle n’ont aucun lieu de résidence déterminé dans le monde religieux ; ils sont des étrangers, dont la patrie, s’ils en ont une, ce dont je doute, doit être ailleurs. Elle m’apparaît comme cette masse qui doit flotter, ténue, éparse entre les systèmes stellaires, attirée un peu ici par l’un, là par l’autre, par aucun assez fortement pour être entraînée dans son tourbillon.

Pourquoi elle est là, aux dieux de le savoir ! À moins que ce ne soit pour montrer que l’indéterminé peut, lui aussi, exister d’une certaine manière. À proprement parler ce n’est cependant qu’une attente de l’existence,