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Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/310

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fiant de lettre morte, pour aller droit à l’indéterminé. Gardez-vous des uns et des autres. Vous ne trouverez l’esprit d’une religion ni chez ceux qui systématisent avec roideur, ni chez les indifférents qui s’en tiennent à la superficie. Vous le trouverez chez ceux qui vivent en elle comme dans leur élément, et se meuvent en elle, allant toujours plus avant, sans entretenir en eux l’illusion qu’ils puissent l’embrasser tout entière.

Avec ces mesures de précaution, réussirez-vous à découvrir l’esprit de la religion ? [286] Je ne sais. Mais je crains que la religion aussi ne puisse être comprise que par elle même, et que sa structure particulière, son caractère distinctif, ne puissent devenir clairs pour vous que quand vous appartiendrez vous-mêmes à l’une quelconque d’entre elles. Votre plus ou moins de succès dans l’effort pour déchiffrer les religions grossières et incultes de peuples lointains, ou pour distinguer les unes des autres les si diverses incarnations de la religion que recèle la belle mythologie des Grecs et des Romains, cela me laisse très indifférent : qu’en cela vos dieux vous conduisent. Mais si vous vous approchez du sanctuaire sacro-saint où l’Univers est contemplé intuitivement dans son unité suprême, si vous voulez examiner les diverses figures prises par la religion systématique, et non pas les exotiques et étrangères, mais celles qui existent encore plus ou moins parmi nous, alors il ne saurait m’être indifférent que vous trouviez le point de vue juste d’où vous devez les considérer[1].

À vrai dire, je ne devrais parler que d’une seule, car le judaïsme est depuis longtemps une religion morte ; ceux qui maintenant encore en portent la couleur ne font à proprement parler que gémir, assis autour de la momie imputrescible, et pleurer sur son décès et sur le triste héritage qu’il a laissé. Si [287] j’en parle, ce n’est pas non plus parce qu’on pourrait voir en lui le précurseur du

  1. Voici venir enfin ce que Schleiermacher juge bon de dire de : grandes religions positives. Il ne parlera d’ailleurs que du judaïsme p. 286-291, et du Christianisme, p. 291 à 310.