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Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/323

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toujours engagé à tenir compte de la vérité qui viendrait [305] après lui[1].

[305] Ainsi ont fait également ses disciples ; ils n’ont jamais imposé de limites au Saint-Esprit, ils en ont partout reconnu la liberté sans bornes, de même que l’unité ininterrompue de ses révélations. Si plus tard, quand le premier temps de sa floraison fut passé et qu’il parut se reposer de ses œuvres, ces œuvres, pour autant qu’il y en avait de contenues dans les saintes Écritures, furent illégitimement[2] proclamées code fermé de la religion, cela ne fut le fait que de ceux qui prenaient le sommeil de l’Esprit pour sa mort, ceux pour qui la religion même était morte. Tous ceux qui sentaient encore sa vie en eux, ou la percevaient chez d’autres, se sont toujours déclarés contre cette novation qui n’a rien de chrétien. Les saintes Écritures sont devenues Bible par leur force propre ; elles n’interdisent à aucun autre livre d’être ou de devenir aussi Bible ; ce qui serait écrit avec une égale force, elles se le laisseraient volontiers adjoindre[3].

Par suite de cette liberté illimitée, de cette essentielle infinitude, l’idée maîtresse du christianisme, l’idée de forces médiatrices divines, s’est développée sous des formes diverses, et toutes les intuitions, tous les sentiments relatifs à des emménagements de la nature divine dans la nature finie ont été [306] portés dans cette religion à leur point de perfection. Ainsi les saintes Écritures, où la nature divine avait aussi d’une certaine manière son siège, furent très vite tenues pour un médiateur logique, propre à faciliter comme tel à la raison, de nature finie et corrompue, la compréhension de la divinité ; et d’autre part le Saint-Esprit, — dans une signification ultérieure du mot — fut tenu pour un médiateur éthique, en vue du rapprochement pratique avec la divinité ; un parti nombreux de chrétiens est toujours encore prêt à déclarer nature médiatrice et divine quiconque peut prouver que, par une vie divine ou n’importe quelle autre impression qu’il donne de quelque chose de divin en lui,

  1. S’inspire probablement en particulier de Jean, XVI, 7-15.
  2. Unbefugterweise.
  3. Cf. ce qu’il dit de la Bible, p. 122 et 262, et noter qu’en fait des poésies religieuses de laïques, de Novalis en particulier, ont été admises dans des recueils de cantiques protestants allemands.