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Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/40

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Rappelons, l’auteur ne prend pas soin de le faire, qu’à la fin du premier discours il a fondé cette dissociation de la religion et de la morale sur le fait que, voir dans la première un moyen d’assurer la moralité et le droit, c’est rabaisser ces derniers, qui ne doivent pas avoir besoin d’un tel appui extérieur, c’est surtout la rabaisser elle, en l’appréciant du point de vue de son utilité morale et sociale. Thèse intéressante, discutable, qui appelle en tout cas un examen plus circonstancié que celui du premier discours. Cette argumentation ne vient pas non plus ici. Schleiermacher opère sa discrimination sans souci de la justifier au nom de l’intérêt primordial qu’il y a d’après lui à obtenir une définition de la religion à l’état pur.

Un peu plus loin il fera, au sujet des rapports entre religion et morale, quelques observations qu’il importe de relever, et la cohérence de l’exposé demande que ce soit ici qu’elles soient notées.

Aux pages 68-69, il s’agit non plus de l’intuition de l’Univers qui, ainsi qu’il a été montré dans l’intervalle, est l’essence de la religion, mais de sentiments qui accompagnent nécessairement cette intuition, et font donc avec elle partie intégrante de la piété. Or de ces sentiments aussi, comme de l’intuition, Schleiermacher déclare qu’ils ne doivent pas inciter à des actes proprement dits, déterminés, particuliers. Toute action doit être morale, a-t-il soin de déclarer ici, et peut l’être, ajoute son optimisme, à condition d’être calme et réfléchie. Or la religion, ou bien fait naître des sentiments dont la vivacité exclut ce calme, ou bien, ce qui est le plus souvent le cas, elle dispose plutôt à la contemplation oisive, et paralyse l’activité. Enfin, observe-t-il ailleurs, il est arrivé qu’elle recommandât des actes en eux-mêmes moralement damnables ; là il pense sans doute en particulier aux supplices infligés aux hérétiques par tant d’impitoyables orthodoxies.

Plus loin encore, page 130, il formule une autre remarque, à rapprocher de celles-ci. Après avoir affirmé avec insistance que Dieu ne peut être conçu dans une religion que comme agissant, il observe : « Mais le Dieu agissant de la religion ne peut pas nous inciter à la moralité car on ne saurait imaginer une action exercée sur notre moralité ». Il expliquera en 1821, note 20, qu’une action exercée du dehors