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Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/45

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Il lui importe donc, à tous égards, d’insister sur ce qu’elle a de spécifique, ce qui fait d’elle un élément sui generis de la vie humaine, ayant en soi sa raison d’être, ayant « sa province propre dans l’âme », page 37.

Ce qui ne lui importe pas moins, c’est de montrer que la foi religieuse est avant tout un sentiment. Ce sentiment appelle sans doute une adhésion de l’intelligence, un accord avec la conscience morale. Mais il préexiste à toute doctrine intellectuelle, à toute morale systématisée. Il en est le principe, il doit en rester l’âme vivante. Il peut à la rigueur subsister sans elles, tandis que, sans lui, elles ne sont pas vraiment religieuses.

Sans que l’auteur le dise assez nettement, c’est cette conception qui lui permet d’estimer que arts et sciences ne sauraient être les substituts de ce qui, étant unique de son espèce, ne peut pas avoir d’équivalent. C’est cette idée qui lui fournit le moyen de défendre la religion pure contre le dédain ou l’indifférence de ceux qui la confondent avec telle ou telle philosophie ou morale critiquables. Cette discrimination doit donc être estimée utile autant que justifiée, à condition d’observer des réserves que Schleiermacher a le tort de ne pas formuler dans ce discours. Nous aurons à apprécier dans quelle mesure la suite vient, ou ne vient pas, légitimer la rigueur dont il fait preuve ici.

Voyons à présent quelle est, après cette disjonction et ces formules négatives, la définition positive qu’il donne de la religion pure. Et, pour être disposés à la comprendre, gardons-nous d’oublier qu’il entend donner celle de la religion en général, valant pour toute foi religieuse, et non pas seulement pour le christianisme.

« La pratique est de l’ordre de l’art, la spéculation est de l’ordre de la science, la religion est sens et goût pour l’Infini », page 53. « Pourquoi la spéculation n’a-t-elle été à vos yeux qu’un jeu vide avec des formules… parce qu’il y manquait la religion, parce qu’elle n’était pas animée par le sentiment et la nostalgie de l’Infini, parce que le respect de l’Infini ne contraignait pas ses pensées volatiles à prendre une consistance plus ferme… Tout doit partir de l’intuition, et celui qui ne connaît pas le désir ardent de saisir l’Infini par intuition, manque d’une pierre de touche… pour apprécier la valeur de sa pensée à ce sujet », page 54.