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Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/50

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renouvelée, vraiment divine, ce sont plutôt les anomalies apparentes, les perturbations, qui invitent à remonter à une unité plus riche que celle attestée par la régularité des lois (p. 84-85). On voit bien ici l’idée dynamiste que le théologien, de même que ses amis romantiques, se fait du principe divin du monde. Cette notion est voisine de celle de chaos, mais d’un chaos apte à s’organiser en cosmos, qui tient une grande place dans l’idéologie de Fr. Schlegel et de Novalis à cette époque. Schleiermacher s’arrête en particulier aux lois physiques et chimiques, dont la découverte, vers la fin du xviiie siècle, produisit sur les esprits un effet comparable à celui des rayons X, puis de la théorie des quanta et de la mécanique ondulatoire à notre époque. Les combinaisons de quelques éléments donnent naissance à des corps infiniment variés, et cela par le jeu d’attractions et de répulsions qui sont une des lois fondamentales de la matière et de l’esprit. Mais ces attractions, comment en avons-nous connaissance, d’où nous en vient la notion ?

Ne serait-ce pas de l’intérieur de l’âme, du Gemüt, où nous constatons directement, en nous, les effets de l’amour et de son contraire ? Ici le romantique propose, avec toute l’apparence du sérieux, une des très rares exégèses bibliques qu’on rencontre dans ces Discours, et qu’il serait intéressant de rapprocher d’un mythe analogue de Baader, le grand mystique catholique son contemporain. Schleiermacher explique la création d’Ève par le dessein de Dieu de donner à l’homme, grâce à son amour pour la femme, la compréhension des lois d’un monde qui, sans cette révélation, restait pour lui un spectacle dépourvu de signification. « Dans cette chair de sa chair, dans cet os de ses os il découvrit l’humanité, et dans l’humanité, le monde », pages 88-89.

C’est donc, telle est la signification de ce mythe, dans les sentiments de son âme que l’homme trouve la révélation du principe divin, principe de vie de la nature comme de l’humanité. La parenté, l’identité foncière de l’inanimé et de l’animé est un des articles de foi du monisme des romantiques. Une conséquence en est que c’est en lui-même, dans les profondeurs de son « moi », que l’homme peut le mieux saisir la réalité véritable de l’être. L’idée qui inspire ici Schleiermacher est celle dont Novalis a donné la formule