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Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/52

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qu’il va, nous l’avons entendu, jusqu’à dire supérieur à Dieu (page 133).

Dans cette vision, tantôt analytique, tantôt synthétique, toujours animatrice, des choses et des êtres vivants, de la nature et de l’humanité, le sujet, sollicité par l’objet ou poussé par sa propre âme, est surtout actif. Dans l’intuition religieuse selon Schleiermacher, sous réserve du sentiment qui accompagne celle-ci, comme nous l’avons vu, il semble être plutôt passif. L’auteur des Discours insiste, comme nous l’avons signalé à plusieurs reprises, sur le fait qu’elle est l’effet d’une action du considéré sur le considérant. De même que les sensations ordinaires, sans nous renseigner sur la nature des choses, nous avertissent de leur action sur nous, de même la religion : l’Univers « est sans cesse en activité, et c’est ainsi qu’il se manifeste à nous à chaque instant », page 56. « Dans son essence la religion n’est ni pensée, ni action, elle est intuition et sentiment. Elle veut saisir intuitivement l’Univers, l’épier pieusement dans ses manifestations et ses actions, elle veut se laisser pénétrer par ses influences directes dans une enfantine passivité » (page 50).

On peut se contenter de signaler ce que Schleiermacher dit cependant ailleurs de la participation active que l’individu apporte à l’intuition par le sentiment qu’il y associe.

Et voici enfin ce que l’auteur des Discours nous dit de plus précis et de plus positif sur l’intuition religieuse (pages 71-76).

Cette intuition est caractérisée par une véritable fusion du sens (Sinn) de celui qui considère, et de l’objet considéré. Sur cette fusion, il est impossible de rien dire de précis, tant elle est fugitive, parce qu’aussitôt la réflexion intervient, sépare sujet et objet, et met fin à cet état d’une seconde de compénétration et d’union totale, absolue. Cet état ne peut pas être reconstitué par la pensée réfléchie, puisqu’il est caractérisé précisément par l’absence de toute réflexion. L’auteur recourt donc à une transcription poétique, pour laquelle il s’inspire visiblement de la tradition née du Cantique des Cantiques, pages 73-75 : « Cet instant est fugitif et diaphane comme la première haleine embaumée par laquelle la rosée éveille les fleurs ; il est pudique et délicat comme un baiser virginal, saint et fécond comme un embrassement