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Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/64

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l’idée que l’œuvre d’art est par excellence révélatrice du divin, et que la nature agit parfois en artiste.

Après avoir attaqué l’utilitarisme et le manque de profondeur aussi bien que d’horizon des rationalistes, Schleiermacher s’en prend encore à l’étroitesse avec laquelle ils prétendent enfermer toute la vie de la jeunesse dans les limites de l’existence bourgeoise. Petite sphère inféconde, où manquent, énumère-t-il, et cette énumération est celle des biens supérieurs que le romantisme apprécie : les sciences, les mœurs, l’art, l’amour, l’esprit et tout autant la lettre (page 152). On peut être surpris de voir cette énumération des biens spirituels les plus précieux close par der Buchstabe, la lettre, la lettre qui tue ce que l’esprit vivifie, la lettre si honnie, pense-t-on généralement, par tout le romantisme.

Schleiermacher a jugé utile de s’expliquer à ce sujet dans la note 3 de la troisième édition, et cette justification mérite d’être signalée. Elle montre que ce n’est pas sans réflexion que le romantique de 1799 déjà avait assigné une valeur à la « lettre ». Le théologien de 1821 explique pourquoi, à son sens, la lettre, à condition de ne pas se séparer de l’esprit, de ne pas être « lettre morte », a son importance, sa valeur et sa dignité : c’est que c’est elle qui, par le travail de la réflexion, fixe ce qu’il y a de vacillant et de fuyant dans les conceptions de l’esprit.

Idée très raisonnable, à laquelle il est intéressant de constater que Schleiermacher avait déjà su s’élever en 1799. Nous avons bien d’autres témoignages de la part qu’il sait faire, et que ses amis romantiques font, beaucoup plus qu’on ne le reconnaît ordinairement, aux nécessités formelles de la vie de l’esprit. Sans la lettre, s’il n’entre pas dans les formes arrêtées du langage, le contenu de l’esprit reste insaisissable, fuyant, et s’évanouit. Nous verrons cette idée reparaître un peu plus loin sous un autre aspect.

Ici vient un passage (pages 152-153), où Schleiermacher exprime avec assez de force et de netteté uns des idées fécondes qu’il partage avec ses amis, idée que nous l’avons déjà vu et que nous le verrons encore appliquer plus loin aux religions, celle que, pour comprendre vraiment les choses, il faut ne pas les considérer du dehors, d’un point de vue extérieur à elles et identique pour toutes. Ce n’est pas là, dit-il, le vrai moyen de s’élever à l’universalité. C’en