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Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/66

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nalistes ne savent pas profiter de ces aperçus ! Ils les voilent ou les faussent. S’il leur arrive de penser à la mort, cette pensée ne leur inspire pas une secrète nostalgie, un respect sacré, non, elle ne leur suggère qu’une idée, celle de gagner parmi la jeunesse quelques disciples à Hufeland. En 1806, l’auteur comprendra la nécessité d’expliquer qu’il s’agit de l’Art de prolonger la vie humaine, ouvrage publié en 1797 par le réputé médecin et professeur d’Iéna, dès 1801 à Berlin, et dont la vogue devait durer jusqu’au milieu du xixe siècle, non seulement en Allemagne, mais, par des traductions, dans tous les pays d’Europe, y compris la France. Cette platitude, cette étroitesse, sont le résultat, continue-t-il, de la politique qui a succédé à celle du despotisme brutal, et qui est celle d’un eudémonisme paternel. Il entend évidemment par là un régime fondé sur l’idée d’un bonheur conçu de façon toute terrestre, matérielle, ainsi que le comprend souvent un esprit utilitaire. Nous avons ici une des très rares remarques de cet ordre. Elle prouve que Schleiermacher condamne, de même que la morale et la philosophie, la politique aussi du plat rationalisme du xviiie siècle.

L’auteur tient naturellement à bien distinguer ses amis romantiques des bas utilitaristes. Il faut que les vrais Gebildete, les vrais « cultivés », auxquels il s’adresse, réagissent énergiquement contre le rationalisme qui étouffe le sens religieux. Cette réaction, nécessaire pour développer et fortifier le sens de l’Infini, a pour condition que l’homme s’absorbe moins dans l’étude et l’exploitation du monde extérieur, matériel, qu’il s’attache davantage à la contemplation du monde spirituel, intérieur. Le remède, c’est donc le repliement sur soi-même. Nous avons ici une nouvelle application de l’idée formulée par Novalis dans son aphorisme : « C’est vers l’intimité du dedans que va la mystérieuse voie ». Schleiermacher aura soin de spécifier ailleurs que ce repliement sur soi ne doit nullement enfermer l’individu dans un monde étroit. En lui-même, l’individu doit trouver le mystère de l’Infini, dont il est une des individuations finies, et le sentiment de ce mystère en lui doit l’inciter à chercher en tout et partout les manifestations de ce principe infini.

Il y a des esprits, continue-t-il, pages 157-158, qui sont