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Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/68

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de semblables héros, de semblables saints. Schleiermacher exprime l’espoir que la tendance et les idées qu’il constate chez ses amis contribueront à une telle reviviscence de la religion. La note 4 du commentaire de la troisième édition reconnaîtra avec chagrin que le renouveau dont il exprime ici l’espoir n’a pas donné ce qu’il en attendait. Pour le dire en passant, ce regret prouve qu’il n’était pas plus disposé en 1821 qu’en 1799 à se contenter de manifestations extérieures comme l’ont été la religion esthétique du premier et la religion politique du second romantisme, et montre aussi qu’il n’a jamais eu la vanité de se considérer lui-même comme un de ces héros.

C’est ici que reparaît, plus développée et précisée, une observation dont j’ai déjà signalé l’importance à l’occasion de la réserve opposée par Schleiermacher au prométhéisme, à l’occasion aussi de son apologie de la « lettre ».

On reproche en général à ce romantisme une aspiration déréglée à l’illimité, un esprit de démesure. Non sans raison. Il donne souvent dans cet excès, mais pas toujours, loin de là. Sa psychologie est beaucoup plus complexe, riche et nuancée qu’on ne l’admet ordinairement. J’ai montré ailleurs que l’autolimitation et l’autodétermination jouent un rôle important dans la culture du moi telle que l’entend à cette époque Fr. Schlegel (cf. Le culte du moi et la culture du moi chez Frédéric Schlegel. Revue de Métaphysique et de Morale, 1934, p. 205-233). Elles en jouent un important aussi dans la théorie voisine que Schleiermacher expose en 1800 dans ses Monologues. Ici, dans ce troisième discours, page 164, les termes dans lesquels il s’exprime s’adressant à ses amis, sont les suivants : « Avec la liberté illimitée (corrigé en 1821 en « reconquise ») du « sens », peut très bien se concilier une limitation et ferme direction de l’activité. C’est la grande exigence avec laquelle les meilleurs d’entre vous se présentent actuellement à nos contemporains et à la postérité. Vous êtes vous-mêmes las d’assister à des divagations encyclopédiques (c’est-à-dire, à des recherches, à des études poussées en tous sens, désordonnées) et stériles. Vous n’êtes devenus ce que vous êtes que par l’autolimitation, Selbstbeschränkung, et vous savez qu’il n’y a pas d’autre moyen de cultiver son moi, sich zu bilden ; vous proclamez donc avec insistance que